106 LES SEIG NEURS DU VIN r.lARQUIS DE LUR-SALUCF.S. - L< M.acqui, d, Lu,-&lu=, propriétaire du Chi1tau d'Yqucm, est un grand 6-udit qui adore les ma1h6natiqucs et déteste les photographes. Il a la réputation d'aimer passionnémtnt la solitude. li collcctioonc les timbm et les voyagcs; le reste de son t«nps est partagé rntre ses propriétés de Sa.uternes et son appartcmem de Bordeaux. Signe particulier: fume autant que Paul Valtry, mais des cigarettes blondes. lL cM.tcau qui appartenait à la famille Eyqucm fut mis dans la corbc:illc de noets d'une nièct de Montaigne, en 1600, lorsqu'elle épousa Honoré de Lur. Quand M. de Lur-Saluccs estime que la récolte n'est pas à la hauteur du nom, le vin n'a pas les hoorn:urs de l'étiquette. On raconte qu'en 1859, le Grand Duc Constantin paya 1.000 louis un tonneau d'Eyqucm. Mais cc tonneau n'était-il pas donné puisqu'il contenait cet or liquide : le vin de Sauternes ? BARON PHILIPPE DE ROTHSCHILD. - Le, Rothschild achetèrent Chàtrau-Mouton il y a un siècle. "La baronnie de Motton" avait appancnu aux ducs de Glouctster au XVI• siècle, à Jean Dunois le compagnon de Jeanne d'Arc, à Richdiru. En pantalon de vdours et vtstc de daim, M. Philippe de Rothschild st veut gentlrman-farmer : il suit de près, entre deux films (car il est metteur en Sctnc) la gestion de l'important domaine de 100 hectares où travaillent une centaine de personnes. Les chais de Château-Mouton ont rt~ amfoagts tout rnscmblc par le cinrastc et le viticulteur : il y a des tclairagcs indirects rt dts niches où dorm<"nt des statues. Qu'on n'aille point croire que le seul souci de l'rsi:hhiquc l'emporte à Mouton ! Car le maitre, en fait, reste toujours le vin. Le Baron de Rothschild s'intéresse à l' Acadrnlic des vins de Bordeaux qui compte, die aussi, 40 G'. immortels », FRANÇOIS BOUCHARD. - En 1731, un marchand du Dauphiné entrait dans Bcaun(: où il comptait v(ndr( ses tissus. Il se nommait Michd Bouchard. Sc doutait-il alors qu'il allait (ngag(r k nom des Bouchard dans la Gloire, paur des génrr.ltioos ? Son chemin de Damas, il allait le trouver au fond d'unt bouteille de Bourgogne : le vin lui sembla si ferme et si fin, si plein de stve qu'il fit chargtr ses carrioles de tonnraux pour le retour. li devait bientôt abandonner la vmte des tissus et revenir s'installer à Beaune, en vigneron et en négociant. On ne ptut que le bénir pour cette bonnt îdtt ! M. François Bouchard, ici Montrachet en main, initie aujourd'hui la VIII• génération dans lts baslillons du vitux châtrau dt Beaune, transformés tn cavcs, ct où pendant la gutrrt 11 mura zoo.ooo bouttillcs dt Corton, Savigny, Pommard, Volney, tte . .. JEAN HUGEL. - La famille Hugel est établit :î Riqut..-hir dtpuis 1639. On:z.e gfoérations de viticultcurs se sont succédé à la tète de l'txploitation. Aujourd'hui, M. Émile Hugel, à 80 ans, conseille encore ses fils, Jean rt Alfred qui dirigtnt la maison. Et les fils de Jean Hugd (l'un est ingénieur-agronome) sont prêts à paursuivrt l"œuvrt familiale. Toute la famille dcmcurc l'année entière à Riquewhir, le travail ne s·interrompant que pendant les quelques jours où la couche de neige est trop épaisse. M. Emile Hugcl garde rdigictJSCIT1cnt lt: verre dans lcqud but Raymond Poincaré, lors de son prcmitr voyage dans l'Alsact mrouvéc, en 1919. Ce vt rre est ceint d'un ruban tricolore, comme un maire de format réduit. En 1939, le Président Lebrun but dans le m6nt verrt. Depuis la Libération, Jran Hugcl est à la tète de la municipalité dt Riqntwhir, comme son père l'avait été pendant , j ans, dt 192:; à 1939. Son frt:re Alfred dirige les travaux de la ,·îgne. LE LUXE Il~ LES TRES GRANDS MILLESIMES BORDEAU.\ BLANCS 1899 - 1906-192◄~ 1928 1929 BORDEAUX ROUGES lB70 - l899 - 192◄ -1928- l929 BOURGOGNES ROUGES !923 - 1926 - 1929- !9◄ 2 - 194-S BOURGOGNES BLANCS !923 - 1928-1929- 1942 ALSACE 189S-1900- 1921 - 1934 ANJOU 1921 - 1933 - 193◄ - 1937 - 1945 CHAMPAGNE 1893-l906-1911 - l92B-19◄3 LACAVE EST UNE VIEILLE TRADITION F a~~~s c~:p~~és~~ts~~s ~~sè:~~ d~/o~c~:t~ond!: fi:~u~~~~~ inquiétants ? Vins qui raclaient la gorge comme des râpes à from:i.ges, mélanges chimiques qui fermentaient sous nos yeu:<, c Entre-deux-mers :t b.itards, c appellations conLrôlêes > qui sortaient droit de J'arrière-boutique du pharmacien. Et nous ne parlons pas du plus étonn:mt, le fameux c Vin de la Libération >. Si bien, ma foi, que nous avons senti notre goût s'émousser. Peul-être pas au point de confondre le Château-d'Yquem avec les Hospices de Beaune, mais sûrement d'accorder aujourd'hui des lettres de noblesse a un vin simplement honnête. Il faut rééduquer le goût. Il faut que nos amis de l'étranger ne prennent point l'habitude d'accepter comme c grand vin de France > n'importe quelle étiquette couverte de poussière et de toile d"araignée. li faut que renaissent les belles caves d'autrefois. On nous a dit : c A Paris, ce n'est guère possible. Le vin qui vieillit aime la paix. Les vibrations du Métro Je dérangent et il déteste le voisinage de b chaudièrC" du chauffage>. Pourquoi ne p.1s imiter alors cet amateur éclairé qui acheta une cave dans la grande banlieue ? Son vin y dort au calme. Rangés comme pour la parade, voilit. les grands seigneurs. les c rois > dont l'autorité est incontes:ée sur la table, mais aussi les autres, les valeureux capitaines, bref l'état-major complet, des Bordeaux aux meilleurs Bourgognes, en passanl par l'Alsace, les Côtes-<lu-Rhône. l'Anjou, le vin de Champagne... Nous allons fa ire un tour à la cave ! Du côté de Bordeaux Sur la rive gauche de la Garonne, il y a une région dont le relief est très peu accusé et dont le sol est extrêmement riche en silice : c'est la présence de cet élément qui donne aux vins des régions de Sauternes. de Barsac. de Graves et du Médoc, la fi:iesse qu'on leur connaît. Les c quatre grands > sont. sur la rive gaurhe : Château Haut-Brion, Château-Lafite, Château-'.\largaux qui fut la propriété du roi Edouard \"Il d'Angleterre, Château-Latour qui appartînt aux Ségur. Les grandes années de Château-Latour actuellement épuisées tou dont on ne trouve que de rares échantillons - objets de vénération - dans quelques caveaux privilégiés) furent 1870, 1871, 1875 ; parmi les grandes années aussi, 1899 et 1900. Le bouquet fin de 1924 progresse encore; 1929 esl un millésime extraordinaire, tel qu"on n"en voit que deux ou trois par siècle. Qu"on envie les heureux possesseurs d'une telle bouteille l Dans les années encore récentes, il faul citer 1937. Au contraire, on chercherait vainement dans le monde entier une seule bouteille de L:itour 1932, année honorable pour tout autre. mais qui ne parut pas mériter l'honn,.ur de l'étiquette. Le Château-Latour a son verre de cristal fin : une panse enflée comme un ventre de silène. un léger étranglement dans la 1>artie supérieure, pour permettre d'imprimer au vin ce mouvement giratoire qui libère les aromes. Comment ne pas parler aussi. dans les sc'.gneurs. du Chitea:.iMouton qui app.1rtient au baron Philippe de Rothschild. Le clasS<!- dent de 1885 le plaça dans les deuxièmes crus. Mais jamais ilouton ne reconnut ce classement : sa devise est inspirée de celle des Rohan : c Second ne daigne, Mouton suis ... > Dans les c archives > du châte:iu, les privilégiés peuvent contempler à la lueur d'une bougie les 1870. !es 1900. les 1029. Le vin des années c secor.- daires > est vendu sous J'étiquette de c l\fouton-Cadet >. Chambré à point, vers 16", le Château-:\louton des années puissantes peut soutenir la comparaison avec les bourgognes, sur une viande rouge ; mais s'il nous enveloppe de velours. alors laissons-le au service de la selle d'agneau ou de la poularde rôtie. 107
RkJQdWJsaXNoZXIy ODcwNTE=