Album du Figaro, N° 19, été 1949

1 \ MATISSE, UN JEUNE PEINTRE (iuile de lu page 49) le dialogue de la couleur et du trait. Sans autre référence que ce qu'il avait sous la main. Pendant que Picasso échafaude des montagnes aussitôt jetées bas, il ne cesse d'approfondir la source où il se mire. Une fois, devant une cafetière brisée, il dît : c. On dirait un Picasso >. Picasso, l'ayant su, mit un cheveu sur sa soupe, puis, l'y trouvant et le montrant entre deux doigts • c On dirait un Matisse l > 130 La peinture de Matisse, avant d'être sur ses toiles se trouve, éparse, dans son vaste atelier (15 m. sur 8) au deuxième étage de !'Hôtel Régina, à Cimiez, au-dessus de Nice. Ce sont des fleurs, des fruils, des coquillages, un pot d'étain, des robes jaunes et bleues dans l'armoire entrebâillée, un fauteuil noir, une grande urne hispano-mauresque, des ananas et, naturellement, les fenêtres ouvertes sur la mer. La loggia qui donne au Midi, un moulage d'Egine s'y tient comme pour signifier la Grèce permanente au milieu des jardins. A l'Ouest, on voit, du balcon, le chemin qui descend vers Nice et la dégringolade des toits. A l'Est, l'atelier a vue sur les secrets d'un orphelinat où passent. dans le parc, des cornettes blanches. Du petit atelier au Nord, plus austère, Henri Matisse a fait sa chambre. Le botaniste, cloué au lit, ne peut plus partir à la cueillette. Alors, parvenu au bout de son aventure, avec les ciseaux de la Parque, il taille à même des papiers de couleur, les feuilles, les oiseaux, les poissons que sa maladie lui interdit d'aller chercher dehors. Il se refait un monde à domicile - à partir de quoi, avec la même ingénuité malicieuse et émerveillée, il compose d'autres tableaux. Il prouve ainsi deux choses : qu'il ne saurait se passer de modèles et qu'il est à même de fabriquer ses modèles. Il a fini par s'enfermer dans son œuvre comme ce potier de Sicile dont Pirandello raconte l'histoire et qui, pour mieux pétrir son amphore, s'était mis à l'intérieur. Maroquinier - Sellier FERNANDE DESGRANGES 372, Rue Soint•Honoré Opéra 20-4? LE LUXE DE LA CAVE l'année précédente, la plus fine qualité du même cépage. Pour conserver un vin pendant un certain temps, avant de le mettre en bouteilles, il est mis d:ms une cuve en ciment dont l'intérieur esl saupoudré de verre en poudre pour éviter l'olly<lation. La grande erreur, pour !es vins d'Alsace, est de les boire c glacés> alors qu'ils ne doivent être que c frappés >.•car le bouquet disparaît si le vin est trop froid. Un grand vin doit être r rappé à 8 ou I o degrés. Le plus léger de tous les crus est le Sylvaner. Il est sec, fruité, et convient parfaitement pour les entrées ; frappé, il peut ouvrir l'appétit en tenant lieu d'apéritif. Le muscat d'Alsace est un bon vin sec qui peut c marcher > avec les volailles ou les rôtis. L~ Tokay, ...méfiez-vous, mesdames, du Tokay ! Ne vous fiez pas à son air innocent. Il est issu des plans de pinot importés en Alsace p;::r Lazare de Schwendi, au début du xv1• siècle. Le Traminer est souple ; il faut citer le Gcwuertz-Traminer qui a beaucoup de corps et une très grande finesse ; il est particulièrement mis en valeur par le foie gras et les fromages. Le Sporen Oa grande année 1947) acompagne tous les mets. ).lais les connaisseurs donneront toujours la palme aux Riesling <le Riquewihr, qui ont de la race et font, en quelque sorte, chanter les huîtres et les poissons dans les plats. L'Anjou Le ,1in des mousquetaires ! Il a la douceur du ciel ange,•in, blanc, ou - avec un petit coup de ,·enl - rosé. C'est le compagnon, s'il est sec, du brochet au beurre blanc. Les rosés, en carafe, doivent être bus frappés, à une température <le 6 degrés. Le type du vin d'Anjou, nous le trouverons au village de Brissac, très e:'lactement au Prieuré de la Colombe. Le propriétair:!, ).1, Rezé. nous ellplique qu'il s'agit <le l'ancienne église du xu• siècie, désaffectée à la Révolution et acquise p.,r sa famille en 1798. A Brissac, la vigne donne un tiers de blanc et deux tiers de rosé. On boit l'ambre liquide du vin d'Anjou dans des verres en forme de tulipe, au dessert, en évitant de c briser > l'arôme du "in rn le plongeant trop longtemps dans la glace. Pour l'Anjou (comme pour le vin d'Alsace) !'année du siècle est 1947. La Champagne C'est le mlnistre des Affaires étrangères des vins de France. li va partout. Ainsi, le Moët est vendu dans quatre-vingt-cinq pays - excepté en U.R.S.S. Et encore ! Avec ce diable de rideau de fer, on n'en est pas bien sûr ! On apprenait dernièrement que le Gou• vernement des Soviets faisait construire à l\loscou c la 1>lus impertente fabrique <le Champagne d'Europe ,. On y pro<luir.1it même, nous affirmait-on, du c Champagne rouge ,. li paraît que, grâce aux nouveaux procédés d'un professeur qui a obtenu pour cet exploit le Prix Staline, le champagne soviétique pourra être fabriqué, mis en bouteille et proposé aux prolétaires conscients et organisés dans le temps record de quarante-cinq jours. En France. pays capitaliste où l'on travaille selon des méthodes archaïques, il faut sill ou sept ans pour que le vin prenne pleinement conscience de sa c1ualité. Le 1941, par exemple, est à son apogée. Le 1943 est une très belle jeune fille. Le Champagne - le nôtre - a une origine sanctifiée. A !a fin du xvu• siècle, Dom Pérignon, bénédictin <ah ! les bénédictins!) de Hautvilliers, découvrit le principe champenois de cuvée. c'est-à-dire de mélange, et le secret <le la mousse. C'est en 174? que Jean 1\loët, bourgeois <le Reims et négociant en vins, fonda la l\laison et fabririua son premier Champagne qui s'appelait .1lors c le Champagne mous~eux de Jean Moët ,. L'une de ses filles épousa l\l. Ch.1ndon et c'est ce mariage qui est à l'origine de n05 meilleurs moments. M. de Voguë, qui préside aux destinées de la Société :0.1oët et Chandon, a retrouvé, dans les archives, des documents, comme ce livre de commande où est inscrite la livraison de quatre caisses à 4 livres l:i. bouteille, à la marquise de Pompadour ; en marge, i\·I. :\loët avait noté : c N'a jamais payé ,. On dit aussi, qu'après le four de Tamiliaiiser, Wagner vint écrire chez les :'>Ioël l'ouverture de L'Or du RliÎII. Au début <lu x1x• siècle les premières importations de liège en France bouleversèrent la technique du bouchage. Auparavant. les bouteilles <le Champagne étaient bouchées avec un morceau de bois entouré de chanvre. On ne doit jamais parler d'un c cru > de Champ.igne : car il s'agit d'un mélange de raisins blancs (pour la finesse) et de jus ,Witt JHt!]t 110 CAROLINE REBOUX. Tricorne en paillas.son blanc orni de deux rubans de faille, l'un vm chartreuse, l'autre blanc. Ill

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