Album du Figaro, N° 20, automne 1949

122 SIVES IE:TAl'ES QUI MA llQUÎ:HEllo'T C Il A. CUllo'E Ullo'E lè:l"OQUE PICASSO s•f.:c11,u •1•E l"E Hl'IE:TUEL L •;MEllo'T 1903. Déjà impressionniste mais encore attaché au réalisme. 189 5 Picasso a I 4 ans! Cette toile, "le Mendiant", ne suffitelle pas à démontrer à ceux qui le connaissent mal que Picasso est un grand dessinateur. 190S. Soustrait aux influences, il influence à son tour. DEPUIS UN DEMI-SIECLE ~ PIC~J\SS() NOUS ETONNE Par l'ensemble de ses écrits et par sa clairvoyance, Gauguin nous donne aujourd'hui le sens profond de tant de luttes artistiques devinées, prévues. J'en retiens surtout ces lignes : "En tant que travail, une méthode - de contradiction si l'on veut : s'attaquer aux plus fortes abstractions, faire tout cc qui est défendu, et reconstruire plus ou moins heureusement, sans crainte d'exagérations, avec exagération même. Apprendre à nouveau, puis une fois su, apprendre encore. Vaincre toutes les timidités, quel que soit le ridicule qui en rejaillit. Devant son chevalet, le peintre n'est esclave, ni du passé, ni du présent, ni de la nature, ni de son voisin. Lui - encore lui - toujours lui." Sont-clics nettement claironnées, ces trois sommations d'usage l 1900 - l'année même, notons-le, par laquel!c se résume l'antithèse de nom ép0quc. Un jeune Espagnol traverse la frontière française pour la première fois. Pablo, Diego, Jose, Francisco de Paule, Juan, Ncpomuceno, Crispin, Crispiniano de la santissima Trinidad, Ruiz. Picasso vient chercher son avenir chez. nous - nous, par goùt et par tendance, archivistes du passé. De son étrange aventure, dit-on, naquirent beaucoup de malentendus. Il perdit tout son bagage de noms exorciscurs, sauf un seul - mais évocateur aussi, celui-là, d'une époque entière. Picasso, ouvrier d'une désintégration probablement utile, déplia chc-L nous sa trousse d'artisan révolutionnaire. "Tout le monde sait, écrit le fidèle Sa.bancs - Boswcll moderne - qu'il est né à Malaga, l'année tant, td jour, tel mois." Une façon espagnole de vous dire qu'il aura, tout bonnement, soixanu-huit ans d'une étonnante jeunesse le 25 octobre prochain, "à neuf heures trente du 59ir", ajoute Picasso lui-même, soucieux de cc détail précis. Tout le monde sait aussi, que sa toute jeune femme lui a donné, depuis deux am, un garçon et une fille. Puisque nous voilà à arpenter le temps, finissoDs-en tout de suite. Cinquante ans bientôt, séparent cc petit bonhomme trapu, énergique, énigmatique, farouche et jeune père, d'un autre personnage - lointain, plus flou. Celui qui devait se trouver PAH ,IOIIJ'\ Dl~\'OLUY héritier de toutes les légendes déformantes d'artistes emmagasinées depuis Murger. Il ne ressembla, naturellement, à aucune d'elles. Cela encore, on le lui a pardonné assez. difficilement. "Il n'avait rien de séduisant quand on ne le connaissait pas", se souvient, de leur première rencontre, Fernande Olivier, sa femme au temps de ses débuts héroïques - "pourtant, l'étrange regard insistant força it l'attention". Vedette d'Opéra de Quat' Sous, curieux passager d'un autre vaisseau fantôme, nommé assC'Z. prosaïquement. Bateau Lavoir, " ...on ne pouvait guère le situer socialement", ajoutc-t-ellc ! T iens, tiens... déjà. D epuis, une étonnante construction, faite d'incompréhension savamment déguisée, de piles de biographies, d'ouvrages critiques, dialectiques, que sais-je encore, gène beaucoup la vue sur l'étendue de son œuvre. Et le bonhomme rrne toujours difficile à "situer socialement" pour beaucoup de braves gens. Je crois qu'on cherchera encore longtemps dans le roman-feuilleton de sa vie d'Espagnol en exit et dans son œuvre démesurée avant de trouver la niche commode qui le classe définitivement et dom le choix tranqui!lisc t~nt les historiens d'art contemporain. L'embarras, vous le connaissez. tous - ép0que bleue, époque rose, cubisme, cubisme analytique, ép0quc des métamorphoses.. ., du surréalisme, .., politique..., du silence... , du réveil. .. , de la joie de vivre..., de la sculpture..., de la céramique... , de la naissance des bébés... Des ép0qucs à tous les étages... , un grand magasin de la peinture... mais cc n'est pas de cela que je voulais vous parler. L'homme - toujours lui - travaille, travaille, acharné à remplir ces compartiments-étapes de son évolution constante, se livre à sa manie de s'immiscer dans toutes les formes connues de l'art, du plus primitif :i.u plus récent pour mieux les comprendre. Peut-être pour en faire éclater certaines, de temps en temps pour se distraire, comme d'un beau ballon, en enfant gâté du siècle, qu'il est sûrement. Le tout sur un accompagnement de vitupérations excessives de ses détracteun les plus nostalgiques d'un XIX' siècle perdu, et des clameurs de monomcs enthousiastes d'esthéticiens suiveurs irréfléchis, qui se comptent beaucoup 1912. Par le cubisme il se libère de la forme. 1913, MClangc de techniques: peinture, collage. 1922. Nouvcauréalismeetgigantisme.

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