68 LA STUPEFIANTE AVENTURE DE NOTRE SIECLE l'AH TllllmHY 1\1,\IIIJIER I.e reg ne de l'Europe a 11rl1< fl.n. Voici 1950. Année sainte selon l'Eglise, année majestueuse pour tout le monde ; année de recueiiiement pour les croyants, de réflexion pour tous. Nous ferions volontiers, au seuil de cette année, une petite halte. L'histoire nous a menés d'un train d'enfer, depuis dix lustres. Arrêtons-nous pour souffler. Peut-être est-ce par hasard, mais de grands événements mûrissent souvent dans ces étés du siècle. Vers 1450, la France prenait forme de grande nation au terme de la guerre de Cent Ans; vers 1 5 50, le Grand Schisme de l'Occident devenait irrémédiable; vers 1650, le grand soleil classique montait vers son apogée, tandis que le monde se mettait en marche, derrière Descartes, vers les terres inconnues de la science moderne; vers 1750, les Encyclopédisres préparaient dans les salons des tempêtes qui les eussent eux-mêmes épouvantés; vers 1850, l'Europe s'éveillait de toutes parts aux nationalismes. Vers 1950 ... Certes, nous ne pouvons plus considérer les perspectives, passablement obscures, de notre avenir avec le mèmc tranquille optimisme qui était celui de nos grands-parents, en cette année 1900 que les auteurs dramatiques, les chansonniers, les cinéastes et les décorateurs cherchent à évoquer dans des reconstitutions nostalgiques. Il ne s'est guère passé, depuis lors, que la moitié de la durée d'une longue vie. Des hommes et des femmes qui ont connu et vécu ce début du siècle sont auprès de nous pour nous le raconter. La révolution des techniques, qui a changé radicalement les pensées, les mœurs, la structure des sociétés et l'allure de l'histoire, était déjà bien avancée. On connaissait les grandes usines, les chemins de fer, le télégraphe et même l'automobile. On se sentait déjà plus différent de l'homme du XVII• siècle que l'homme du XVII' ne s'était senti différent de l'homme de l'antiquité romaine et pourtant nous sentons aujourd'hui que l'homme de 1900 - cet homme qui vit encore au milieu de nous - était plus près de l'homme du XVII' siècle que nous ne sommes près de lui. L'automobile, l'avion, le cinéma, le téléphone, la radio ont entièrement non pas seulement transformé les conditions matérielles de la vie, mais changé les modes de vivre et déplacé les pôles des préoccupations humaines. Des empires se sont écroulés. D'autres ont gagné en étendue 69
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