Album du Figaro, N° 23, avril-mai 1950

"Don:ild", ch:ir,:::iu mouvement pdlc en pi<1ué h\:inc g:1mi c~mé!i:is pi<rm'. LE MONNIER "Chryslcr towcr ". Daim vert liséré d'or. CASTELL - SAGUER BOlTIER IO, rue de lo Trémoille - PARIS ELY. 11-98 148 IIEN /J Cl,,\ 11\ il utilisa le son plus que la parole. Pour la suite, il me prie de consulter sa c filmographie >. La litanie de ses (Hms, Le Million, c A nous la liberté >, Quatorze Juillet, ne !"intéresse pas. Elle concerne l'historien et le rat de cinêdubs. Il ne tient pas, non plus, J. parler de son séjour en Angleterre, où il se réfugia après l'échec du Dernier Milliardaire en 1935 et où il fit V(mtôme à vendre. Son essai d·cnn1cincmcnt à Hollywood, où il tourna quatre films, alors que les Américains, dans le m ème temps, en auraient tourné douze, il le rejette aussi dans le passé, li regrette pourtant qu'en France nous gaspillions le tiers de notre énergie en broutilles, que nos savants fassent leurs inventions dans de vieilles boites de sardines et que notre génie doive se colleter avec des hisSuite d~ la pll!Jt 9! toirez de clous rouillés, alors qu'à Hollywood la main n·a qu'à se tendre pour disposer du meilleur : la meilleure pellicule, la meilleure camera, le meilleur micro... Il me signale la différence de méthode entre les c metteurs en scène > américains et les français. Là-bas, le • metteur en scène > s'engrène sur une chaine de production au moment précis du tournage et c'est tout. 11 c tourne > comme un ouvrier, chez Ford, visse un boulon, et la chaîne poursuit sa ronde, - J'en connais à qui on remet le scénario le samedi soit· et qui commencent à tourner le lundi, et, en France, on dit ensuite : c un film d'un tel >. D'autres se lavent les mains et s'en vont après la dernière prise de vue. Leur rôle est fini : ils passent leur paquet aux monteurs... c o ,u .u E."\''r ,VAflUI T .. LA RE.;tu•rJ;; n u IIIAHI.E •• René Clair, c bourgeois de Paris >, fils d'une vieille ville et d'un antiqut:; pays, est aux antipodes de ces industriels du boulon. Il a besoin d'un contact humain, de la maturation, de la lente transformation de l'œuvre en fruit, comme dans les vergers d'lle-dcFrance où le soleil enrichit les pêches. Il pétrit son film luîmême, de rond en comble, des premiers linéaments de l'idée, au découpage minuté. Celte boulangerie de l'esprit dura huit jours pour Le Chapeau de paille d'Italie, huit mois pour Le SHcnce est d'or, neuf mois pour La Beauté du Di.able, son dernier film. Voici les différents états de cette Beauté, qu'il mit sur pieds avec Armand Salacrou. Dans des chemises, de grandes feuiJles de papier jaune, rayées de bleu, qu'il a rapportées d'Amérique, et qu'il trouve les plus douces à l'œil. Notes Luc/ton : aoftt 48... Notes Saint-Germain. Au crayon, à la plume, d"une grande écriture de fièvre, l'idée prend corps. Il pensait d'abord exécuter des variations sur Faust. Mais il s'est aperçu qu'on ne peut pas forcer un thème. Il a donc fait un film romantique rejeuni, dans le style des Contes d'Hofjmann, sur fond baroque italien. Dans ces décors fantastiques de Piranese ou de Bibiena, dont li me montre des gravures sur ses murs : une ivresse d'architecture, des folies d'escaliers, des spirales se cabrant dans des draperies et débouchant sur le vide. - Faust c'est le chercheur • le point culminant de cette marée de connaissance qui s'achève aujourd'hui dans les travaux atomiques. Il est bien de notre temps ce smcasme de Méphisto qui aide Faust dans ses travaux en se disant qu'il fera coup double : il aura son âme et il conduira l'humanité à la damnation. Il était difficile de rendre concret ce thème abstrait. L'âme, l'éternité, la damnation n'étaient pas photogéniques. Avec une intelligence plafonnante, René Clair a joué de l'alternance de Gérard Philipe et de Michel Simon. Gérard Philipe est à fa !ois le jeune Faust et la première incarnation de Méphisto qui vient tenter le vieux Fau;;t (Michel Simon), René qair a rejeté le diable avec plume et petit poignard. Quand le démon apparaît au vieux Faust, il n'est autre que lui-même. L'homme est son propre diable. Cc lingot de pensée a fait 160 pages, 569 numéros. Selon un minutage inflexible, imposé à soi-même, et aux autres, par ce Saint-Just du chronomètre. Il a aligné sur une colonne le nombre de numéros de ses cinq derniers films. En face, le nombre de minutes, ces cinq films étant tapés à la machine sur un méme papier. Il a fait la moyenne : trente-trois secondes et demie par page. Ma Femme est une sorcière (comédie légère) : 1 h. 16. Le Silence est d'or (comédie ser.timentalc) : l h. 35. La Beauté du Diable 1!ilm de fantastique et de symboles) : 1 h. 37. - Le public est ingrat envers ceux qui le font rire et reconnaissant envers ceux qui le font pleurer, même avec des mélodrames de filles-mères. Une comédie doit donc être plus courte. En sortant de Charlot lui-même on dit • c Dieu que c'est drôle ! > et non c Dieu que c'est beau ! > L'admirable compteur de minutes que René Clair ! Mais surtout le créateur admirable, nuançant son émotion de grâce et de rire. scion l'éternelle pudeur des Français, mêlant Je fantastique et le réel avec l'élégance des songes et conférant au cinéma la vertu du style qui étincela dans les ballets de l'esprit de Molière. ''Quarre-Vents", Rohe d\1pr:·s-midi en écossais de Pétillau!t. STU)IO FIC.ARO PIERRE CLARENCE PETILLADL'!'

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