Album du Figaro, N° 25, octobre 1950

72 5 GUJ\NDS FUSILS - Madame, ne savia-vous pas que les chasseurs ne mangcnl jamais leur gibier? » C'est ainsi qu'un homme d'esprit, à la vci.UC du dénouement, rompit avec une dame dont il avait fait la conquête et qui déjà ne lui plaisait plus. L.c mot, bien que crud est amusant. Mais il est faux. Les chasseurs ne chassent plus J)Our assurer leur subsistance, comme au temps où nos ancêtres s'attaquaient au mammouth laineux pour garnir leur garde-manger. Mais ils mangent néanmoins leur gibier. Ils sont même fort connaisseurs en la matière et c'est pourquoi nous avons demandé à cinq de no.~ meilleurs fusils de nous indiquer leurs recettes préférées. P rcnC'Z., vous diront-ils, un faisan ou un perdreau de l'année. Ils en parlent comme des gens qui connaissent à fond la question. Celles de nos lectrices qui n'auraient jamais tiré un coup de fusil apprendront sans doute avec intértt qu'un oisc::au jeune se: reconnaît à et qu'il a le bec et le bréchet Acxibles. Il est même un signe encore plus symptomatique pour reconnaitre qu'un volatile n'est pas le rescapé de trois saisons de chasse:: l'extrémité de la demièrc plume de l'aile. Pointue, l'oisc::au est jeune; arrondie, il est vieux. Le comte de Gouvion Saint-Cyr, dont le nom sc:nt la poudre, est naturellement un grand fusil. U n'aime que la chair fraîcheet considère que le perdreau est un classique qui n'a pas besoin d'une mise en scène compliquée. Il lui suffit qu'il soit parfait : Ltperdna111·0ti s1,rcanap{. Les meilleurs perdreaux, dit-il, sont les premiers perdreaux de Septembre-et ceux de Beauce. Ils doivent être mangés, scion moi, vingt-quatre heures après avoir été tués. La meilleure façon de lesaccommodercst aussi la plus simple : c'est de les faire rôtir ~ur canapé, avec une barde de lard. Ils doivent être bien saisis mais peu cuits. L'intérieur de la chair doit être encore rose:. Il faut les arrosc:r souvent. Les croûtons doivent dorer dans la graisse du gibier. MOXSIElJK l"LA.XCHO:,,' Monsieur Planchon, quand il n'est pas" le ventre au bois", où il en fait des hécatombes, est l'ami d u faisan. M ais il préfère le coq et le veut très jeune. La recette quïl préconise vient d' un monastère espagnol où elle fut découverte par les soldats de Junot-laTcmpêtc. La guerre, en cc temps-là, avait du bon. Voici et que nous a valu la campagne d'Espagne : Faisan à la manière d Alcanlara. Cuire pendant cinq minutes six truffes moyennes avec un verre de madtrc et quelques cuillerées de glace de viande l(gère. Mettre ensuite ces truffes dans la terrine où le faisan finira de cuire. Couper en gros dés 200 srammcs de foie gras cru. Faire raidir cc foie gras dans la cuisson des truffes et en farcir le faisan. Brider roisc:au, le barder et le poêler aux 2 3. Le mettre ensuite dans la terrine où sont les truffes. Ajouter le fond du poêlage, un verre de madère et autant de fond de gibier constitu( par les abatis. Couvrir hermétiquement la terrine avec de la pâte et continuer la cuisson au four pendant un quart d'heure. Servir tel quel. Monsieur Jean Godillot, qui est une figure de la Sologne et du Club des Cents, a un faible pour la bécasse. Mais il réprouve cette pratique qui consiste à la pendre par le bec et à attendre qu'elle tombe toute seule dans la casserole. A son avis, cinq ou six jours dans un courant d'air suffisent à exalter son fumet si p;rticulicr. A près quoi, on procède ainsi : Lt salmis de bécasse de Bernardin Do111 Crocbo11, ctlltrier dt l'abba;•t dt Sai11t-S1dpice. Faites rôtir deux bécasses et di~poSC"L dans la lèchefrite au-dessous de ces oiseaux, huit tranches de pain d'un demi-centimètre de hauteur, ouatées de beurre frais. Lorsque les bécasses arrosées et saltcs scion la règle auront cuit pendant trente-cinq minutes, les retirez. de la broche et les tcnC'L en réserve ainsi que les canapés. MettC'L dans une casserole deux cuillerées à pot de bouillon de bœuf, un petit verre de fine champgnc, six échalotes, une gou,;sc d'ail, deux clous de sirolle, un bouquet composé de deux branches de thym, de persil et de cerfeuil, salez, poivrez et faites bouillir. Sur ces entrefaites, découpez. ,,os oiseaux, parez les ailes, les cuisses, les estomacs, les croupions, les têtes et rejctc'Z. les co:urs et les stsicrs; pilez. les foies, les parures et les entrailles retirées des corps, ddayn d'un verre d'excellent vin rouge la purc:e obtenue, verSC7. dans la casserole contenant les hauts goûts et faites bouillir pendant vinst minutes. Déposc'Z. dans une autre casserole les membres des bécasses et les trempez. de la sauce passée au tamis, ajoutez une cuiJlcrée d'huile d'olive fine, un , erre de jus et le suc de la moitié d'un citron. f ;}itcs bouillir pendant un quart d·hcure, goûtez. la sauce et faites les corrections nécessaires si elle est trop douce ou trop relevée. rJ,cc·L sur les viandes les rôties de pain, de manière qu'elles ne baignent pas complètement et soient tenues soulevées au-dessus :tu liquide, couvrC'L la casserole et faites mijoter. Vingt minutes écoulées, les canapés étant détrempés et amollis, ks retirer, les déposer sur un plat chaud et les couronner des morceaux de vos bêtes. Si la sauce est trop longue, la réduisez., b fai3antbouilliràgrandcs vaguesetla remuant sans interruption; dè.~ qu'elle commence à masquer la cuiller et à (paissir, la passant au tamis, la répandez. sur le salmis et serva sans retard. En procédant ainsi, l'on a point à redouter le soût farineux communiquéausalmisparun roux mal fait; les saveurs combinées dans de justes proportions sont bien fondues, et le palais satisfait n'est pas surpris par la violence et le feu des épices. Le Comte Jean de Beaumont " Le fusil qui ne laisse rien passer·• comme disent les rabatteurs - et ils s'y connaissent - aime la venaison. Le plat qu'il recommande c'est la selle de chevreuil prêparfr de la façon suivante: Selle de chevreuil badoist La selle parée est piqufr de lardons fins, ensuite marinée dans du vin blanc, vinaigre et huile, sel, poivre, girof1e, aromates pendant quelques heures. La faire rôtir sur les légumes de la marinade Déglacer le plat à rôtir. avec la marinade, crème, lard de sibier réduit, gelée de groseille. Garnir avec cerises. A part, dtglaçage et gelée de groseille. Voilà le plat que M. de Beaumont sert à ses invités. Mais, dans l'intimité, il mange une "sarcelle en cocotte., cuite avec des petits oignons et dont on farcit l'intérieur avec les tripes de l'oiseau hachfrs dans des petits suisses. La meilleure façon de détruire les lapins, dit M. Philippe Hottingucr, qui pourtant est un fusil plein d'allant, c'est de les détruire avec ses dents. Ce~t pourquoi il propose cc ~lat qui en comporte au moms un par personne : Lapi,11 à la mode dt Fo11tmailles. Prenez des lapereaux et détachez les ràbles. Parez les râbles, coupez-le~ transvcrsalcmcntcn tranche~d·undcmiccntimètre d'Cpaisscur: battC'L-les avec le couperet humide pour les amincir, para-les en ovale, assaisonnez.. VerSC'Z. du beurre épuré dans une large poêle, chauffnlc, rangc-L les râbles sur le fond de la poêle; cuisc'Z.-lcs à bon feu, en les retournant. Égoutta-les sur une assiette ; glacez-les au pinceau. CuiSC'Z., à l'eau, des nouilles. Qyand elles sont à point, égouttC-L•lcs dans une passoire et dressez-les sur un plat lon3. PlaCC'L les ràblcs émincés sur les nouilles et préparez. votre s;iucc, l~aites une infusion avec aromates, vin blanc et vinaigre; faite,~ l'éduire le liquide; retirez-le du feu; ajouta cinq ou six jaunes d'œufs, broya-les avec le fouet, monta la sauce avec 60 à 70 grammes de beurre fin ; passez-la, remettez dans la casserole ; iflcorporC'L-luî encore une (gale quantité de beurre, retircz.-la, ajoutez trois ou quatre cuillères de bonne glace fondue faite avec le fumet des lapereaux et des herbes hachées. Passez. votre plat monté au four pour bien rfrhauffcr; nappa avec la sauce et serva.. Nos lectrices ont ici la recette du gibier le plus commun sous nos climats. Mais pour le grouse:, la bartavelle, le francolin, la btguinctte, le ràlc de genêt, le merle de Corse ou la caille dl Virginie, qu'elles veuillent bien consulter les ouvrasesspécialis6:. 73

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