Album du Figaro, N° 26, novembre 1950

LA PEINTURE VALEUR OR oans une lettre adr<'sséc par un de ses intimes à Mme de Sévigné on peut lircctconscil: "Achetez de la peinture, c'est de for ('TI barre ... " Ainsi dès le X V 11' siècle, les Français savaient déjà, sans parfois hélas se soucier de leur valeur esthétique, que l'achat des tableaux représentait un placement sûr. Au début de l'époque contcmparainc, des gens avertis ont réalisé des affaircs vraiment prodigieuses dans cc domaine. C'est \Vilhelm Uhdc achetant 10 francs un Picasso de l'époque "bleue", c'est Courtc:linc payant 6 francs au douanier Rousseau un extraordinaire portrait de Loti, c'est le pèn: Gay, cabaretier à Montmartre, c'est Libaudc et, un peu plus tard, l'acteur Dorival qui obtiennent des Utrillo pour moins de 100 francs, c'est Berthe\'(/cill,marchandc-mécène, qui " dépanna " tant de peintres aujourd'hui glorieux en achetant 20 ou 25 francs des tableaux qu'elle revendait difficilement 30. On pourrait multiplier les histoires de cc genre. N'a-t-on pas vu le peintre Paul Signac acheter à Cb.anne pour 100 francs un beau paysage de !'Estaque qui vaut peut-être 10 millions aujourd'hui, et Vollard, le marchand de tableaux célèbre, payer le même prix à Renoir et à Degas des toiles actuellement inestimables? Ct portrait a ltl achetl 200 Jra11cs à Modiglia11i. T1·ente a,u ont paut. il wmt aaj01trd'hHi pliu d'un million. Pourtant il semble bien que de telles "opérations" soient aujourd'hui irrfa· lisables ... En effet, il y a de plus en plus de connaisseurs capables de découvrir les" jeunes espoirs de la peinture", et nous ne croyons pas qu'en 1950 la merveilleuse aventure qui advint au collectionneur Roger Dutilleul puisse st renouveler. ô: dernier, avant la guerre de 1914, acheta 200 francs certains Modigliani qui valent des millions. L'un d'eux (celui que nous reproduisons),'' Portrait d'une amie de l'artiste", est un des plus anciens que l'on connaisse; il fut assuré 5 00.000 francs dans une récente exposition organisée par la ville de Nice. LES GRANOU COTES Cependant plus que jamais la peinture française est une valeur or. Il nous paraît très amusant, vers la fin d'une année particulièrement brillante, d'indiquer quels sont, scion nous, les meilleurs placements, que d'ailleurs on ne peut plus appeler de " père de famille " étant donné les capitaux investis. Notons tout d'abord que certains membres de l'Institut ont une va1eur sujette à variations inquiétantes. Oc même qu'autrefois un Bouguereau, un Meissonier, un Bonnat, payés 50.000 francs or sont devenus invendables, de même on voit aujour• d'hui certains peintres très connus exiger une somme considérable pour un tableau qui, revendu plus tard, n'atteint que quelques milliers de francs en vente publique. Jean-Gabriel Domergue n'a pas été l'unique victime de pareille mésaventure;, Pour nou~: les œuvres ayant une valeur or sont celles qui depuis vingt ou trente ans subissent une montée croissante, régulière. Pour l'achat d'une toile moderne, il faut aussi tenir compte des dimensions. Un grand tableau se vend plus cher qu'un petit, sauf bien entendu les très grandes dimensions. Les " va1curs or " de la peinture sont souvent des tableaux de grande qualité, et leurs propriétaires ne s'en séparent pas facilement. PICASSO. Un Picasso de l'époque ''bleue" (1903), bien que l'artiste soit encore vivant,a la valcurd'œuvresde grands morts tels que : Céz.~nne, Renoir, Degas, Bonnard, Vmllard, Soutine. ô:rtains amateurs étrangers paieraient 10 millions unetoiledecette époques'ilsla trouvaient aiscmcnt, mais la plupart sont en Amérique. Presque toutes les toiles importantes de l'artiste dépassent le million, mais surtout celles qui appartiennent aux périodes déjà anciennes. BRAQUE. V peintre, lui aussi, atteint des prix considérables. [! consacre des mois à l'exécution d'une toile. li cxpost rarement. On affirme que, récemment, CE ~IUR ' 'A.UT u Mn.uoxs. li rbmil lu 111aihu, /OIis viwmts, de la pei11tm-e co1ttt1llporai11e, ce11x du moins do11t les toiles sont depuis /011gte111p.r les plus cotée.r ou commeucent à l'être. Leurs tendances, très dive,.ses, vo11t d'1111 rn·taù1 clas.ricinne au 1110t/.emis111e le plus aig,11, m passant pa,· !t1 peinture naïve. û sont : 1. Derain. 2 . Malis.re.;. Tal-Coat. 4. Dmwyer de Seg,o,rzac. 5.Dufy. O. Villon. 7. Utrillo. 8. Bmqlfe. y. Rouault. 10. &mrchaut. II. Vla111i11ck.. 12. Picauo. Ûllr fni.rt11tatio11 a {/{ 1ialùit g,râct à l'oblig,emm J,, Mllste cfA11 A10tleme. "

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