Album du Figaro, N° 26, novembre 1950

LA MODE SUR LA PISTE DU CIRQUE Bmjiet Yve.rde/a(,our 1•it1111ml dt présmftr à A1idra110 u11 prutigitux mmtiro dt lx1111e-tcolt. La brilla11lt imJ"trt qui ut habillit p{lr Ûlrt'tll porlt, pour mo11ttrt11a11u1'l.,011t,1111trobtw t11llt bhmc sur [011d rose, broderies dt pt1illttlts rosts. U1 jolie fille, à laquelle Boulicolbabi//i par l11i-111imt - fait 1111e dtc/aratio11 d'm1HJ11r, c'est Jacl(;J dmis 1111t robe dt Dior 111 sati11 11oir et tulle, avtc de grandes ailes de gU1i. Ulte photo est la dernière i11u11,e du pur sa11g "Noo7,_" ... il tsl mort sttr atte pi.rtt d'rmt rupture d'a11ivrhme/elwde111ai11 mat/11. UNE D~CO~VERTE nu Cl l8MA LA POESIE DE TOUS LES JOURS fi ai ,l ca 11 l'apnl Je veux susciter une discussion. La poésie au cinéma doit-clic être spomanée ou non ? L1. rencontre-t-on par hasard ou l'attrape-t-on comme un ,Ribier, après des marches d'approche? Oh!Nous avons app1is à nous méfier des mythes romantiques: la Muse, l'inspiration, le Génie dans un sourire. Tout le monde sait que Victor Hugo s'installait à sa table de travail et que la soi-disant inspiration ne lui venait qu'après beaucoup de gammes. Les paresseux apprennent un beau jour qu'il faut énormément travailler dans la vie; surtout s'ils ont choisi un métier d'artiste. Mais le plus gros travail est peut-être celui qui consiste à effacer l'impression du travail. La poésie, c'est comme le GI de fer. Il faut que le public ait l'impression que c'est facile; il faut lui dissimuler soigneusement toute trace d'effort. Cela, plus encore dans les arts où la poésie n'est qu'un supplément. Par exemple au cinéma. L'auteur a promis seulement à son public de le distraire. IJe public n'est pas venu là pour penser, ni même pour rêver. Si on veut l'élever au-dessus de luimême, il faut le prendre en uaître. C'est cc qu'à fait Charlot, le grand Charlie Chaplin de la bonne époque, qui va jusqu'aux "Temps modernes". L'indication profonde ou poétique était envoyée comme une balle, parmi une pluie de tartes à la crème. Vous la saisissiez au vol, si le cœur vous en disait; il n'y avait pas d'obligation. En revoyant les " Lumières de la ville ", j'ai été éblouï par le jallissement des idées. Par leur spontanéité, surtout. JI semble que cc soient toujours des idées sans intentions. De l'improvisation, de la commedia del arte. Dans un film comme " Orphée", au contraire, il y a beaucoup plus d'intentions que d'idées. On se dit souvent : " Moi, j'aurais exprimé ça autrement! "Remarquez qu'on a tort, peut-être. Mais une telle disposition d'esprit nuit à l'abandon qu'exigerait la délectation poétique. Ou Chaplin, on n'en fait plus. Aujourd'hui, Chaplin aussi charge ses rares ouvrages d'intentians visibles, comme s'il avait oublié son secret. C'est l'Italie qui a rendu le cinéma à la poésie, et par un détour imprévu. Par le recours le plus simple à la vie quotidienne. Il n'y a pas si longtemps, Laforgue s'écriait: " Ah ! que la vie est quotidienne! " pour dire qu'elle était plate et ennuyeuse. Or, les Italiens viennent de prouver que, de cette platitude et de cet ennui, on pouvait cirer des accents charmants. Le nouveau cinéma italien est né après la guerre, à Li. faveur du désordre. Je dis bien'' à la faveur'', car c'est la pauvreté de leurs moyens et le désordre de leur rue qui a poussé les Rossellini et autres Sica à filmer simplement tout cc qu'ils voyaient. Certains de leurs ouvrages ne sont pas exempts d\m souci poétique à priori. "Sciuscia" ou " Paisa ", par exemple. Mais l'intention est bien dissimulée. Le public paresseux peut ignorer entièrement qu'on lui a vendu un peu de poésie. "Le Voleur de bicyclette" de Sica et, plus récemment encore, " Dimanche d'Août " de Luciano Emmcr, vont encore plus loin dans la conquête du quotidien à l'état brut. Là il n'y a aucune stylisation, l'auteur ne fait aucune suggestion perceptible. Et la poésie jaillie cout naturellement d'images qui n'ont aucune raison d'être poétiques. On isole, par exemple, dans une foule compacte de baigneurs du dimanche, un groupe particulièrement ridicule. Grosses dames, mâles ventrus, gosses mal débarbouillés. Et puis, tout à coup, le médiocre et fugitif rêve d'amour, fait par une des fillettes du groupe, nous touche profondément, comme une phase mélancolique d'Apollinaire ou de V erlainc. De même, grâce à Sica, nous nous étions passionnés pour une bicyclette perdue dans la foule des bicyclettes de Rome. Cette conquête italienne est, je crois, fort importante. En tout cas, il fallait absolument au cinéma un frisson nouveau.11 décline dans la grande farce. Et peut-être le cinéma féérique est-il aussi arrivé à un cul-de-sac, mais il peut connaître à nouveau quelques belles années s'il consent à les consacrer à la recherche du temps de tous les jours. 75

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