Album du Figaro, N° 27, décembre 1950

64 LA li OIl E ~:ST AL1 ~10IS CII E~ILL E ~~ T PAJ1ILL0 1\ [\ y a quelques personnages pour qui Paris n'est pas un grand objet de pierre et de cid, mais leur affaire personnelle. Gabrielle Chanel est de ceux-là. Les morceaux de rubans qu'elle attachait à ses robes, les bouts de papier qu'elle colle à ses flacons, des mots les désignent auxquels elle a restitué leur véritable signification aigut, ou solennelle : griffe, étiquette... La regarder, l'entendre, suffit à vous donner l'intelligence des choses de Paris, celles d'hier, d'aujourd'hui, de demain. Voici quelques réflexions dc''Coco'.' Chanel. [ne vitilk ouvrière disait un jour devant moi, à une jeune ouvrière : H Jamaù un bouton sans boutonnière''. Ce mol admirable et simple peut servir dt devise au couturier et atu1i à l'architecte, au musicim, au peintre. Une mode doit vous échapper de.s mains. L'idte même de protectim du arts saisonniers est puéri!e. On n'a pas à protéger ce qui ne vit que l'instant de mourir. (J n J a pa1 de mode 1i elle ne de1cend dan1 la rut. La mode qui reste dan1le11aion1 n'a pa1 plu1 d'importance qu'un bai trave1ti. On dit q~e_le.r fe"!meJ 1'~abill~11t/ou~ lu fi.mmeJ, P,ar uprit de compéttfton. C ut vrat. Mau 1 ti ny avatt piu1 à'hommu, ,lies nt /habilltraient plus. Lu trouvaiilu 1ont faites pour être perdue!. Une belJe robe peut être belJe 1ur un porte-manteau, mai! cela ne veut encore rien dire. Il faut la juger 1ur le1 tpaulu, avec Je mouvement du bra1, du jambu, de la taille. Faitrs d'abord la rob,, nt faites pas d'abord la garniture. Une robe n'at pa1 un pa,uement. Elie ut fa;te pour étre portle. On porte avec lu épaulu. Une robe doit itre 1UJpendue aux tpaulrs. Le luxe ut une néceuité qui commence où 1'arréte la néceuitl. Sem m'a dit, à propos de bijoux que j'avais deuint1: « Enfin, on imite le {aux .v. Comme il a bien dit. lmpouible de porter beaucoup de bijoux vrais, s'il n'y a fa1 dè femmes qui en portent beaucoup d, faux. S'habiller comme tout Je monde ut Je vrai tort de la per1onnalitl. C'est sur les tableaux ou dans les albums d, fa,ni/1, qu'on trouve trace de1 vraie! modu. La mode a deux but1: Je confort et l'amour. La beauté, c'e1t quand ,li, y arrive. Une femme tllga11te doit pouvoir faire .son marché Jan! faire rire lu mlnagèra. Ceux qui rient ont to11jour1 rai.son ... Le confort a de1 formes. L'amour a de1 couleur1. Une jupe e1t faite pour croi.ser Ju jambe1 et une emmanchure pour croùer lu bras. Lu co1tumier1 travaillent avec un crayon: c'ut de l'art. Lu couturier! avec du ciJeaux et du tpinglu: c'e1t un fait diver1. La mod, ut à la fois chtnill, tt papillon. Soy,'- chenil/, /, jour tt papillon 1, soir. Il n y a rien J, plus confortab/, qu'une chtnill, tt il ny a rien d, plus fait pour l'amour qu'un papillon. Il faut du roba qui rampent tt du robes qui volent. Lt papillon nt va pas au marcht, tt la chenil/, nt va pas au bal.

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