76 PAR llrnll QUEFFÉLEC Normalit n tt agrlgl, ce Fini.ftlrùn doit le mtilleur de .rts ro,na,u à .ra Brttagnt, En lui empruntant .ron Recteur de: l'ile de: Sein le cinlma a placl lu foulu en face d'un du plu.t hllouva,rf.r problètnts de l'âme. En passant au cinéma, le roman que j'avais appelé Un Rtrte«r de l' Ile de Sein a changé d'état civil, et il est devenu Ditu a brsoin de.r ho1n111tJ. ~i découvrit cette dtmièrc formule? Fôt-cc le metteur en scène, Jean Ddannoy ? ou l'un des deux inséparables scénaristes, Pierre Bost et Jean Aurcnchc ? Mais peut-être naquitdk comme il est plus vrai.sc:mblablc, dans une sfanct de travail collectif. En tout cas, mainunant, elle s'impose... * A l'annonce du nouveau titre, plusieurs se récrièrent. Dieu n'a pas besoin des hommes. Ou, quand bien même, dans uncttrtaine mesure, on pourrait dire ou estimer qu'il en a besoin, les hommes ont mille fois plus besoin de Dieu. C 'est là-des.rus qu'il faut insister ; et de cette manifre que vous exprima. avec rigueur le sens du livre auqud le cinéma s'intéresse. QJ:!e montre Un R tclt1trdr l'I k dt Stin, sinon la nécessité pour les hommes de sarcler avec Dieu un contact permanent? Voilà, sur une ile perdue, toute: une: pauvre population de naufrageurs.pêcheurs qui s'abandonnent à l'angoisse chaque fois qu'ils restent sans prêtre, chaque fois qu'ils n'ont plus de: cérémonies religieuses pour leur éclairer, pour leur allumer cette présence de Dieu qu'ils continuent de sentir mais, comme honteuse: d'c:llc-mèmc, qui évite soudain de paraître au grand jour. Et les mécontents avaient rapidement fait de: conclure: qu'il Y,_.avait de l'hérfoe là-dedans. Ditu a bu oin des,.. hommtJ, à la lettre et au figu ré, ce n'était pas un titre: catholique:... Et l'on rappelait qu'aussi bien le metteur en sctnc, un des deux scénaristes, et l'interprète: principal, étaient protestants. Mais les cinéastes et, avec eux, tous ceux qu'ils amenaient à leurs raisons, rendaient coup pour coup. Oui, disaient-ils, les .hommes ont besoin de Dieu, et sans doute beaucoup plus : s'ensuit-il que notre affirmation soit inexacte:? Pourquoi nous serait-il interdit d'attirer l'attention sur un point que trop souvent on laisse dans l'ombre:? Vous nous renvoyez au roman? Cc qu'il montre, nous ne vous le DIEU A-T-IL \1RAtUE:\rr BESOll~ DES UO U U ES •) faisons pas dire, c'est " toute une pauvre population de pèchcursnaufragc:urs qui s'abando1111cnt à l'angoisse chaque fois qu'ils restent sans prêtre... " Avc-z.-vous seulement réfléchi à la richesse de la formule: Ditu a bt1oin du hommtJ? Vous doutC'Z.-vous de toutes les propositions qu'on peut successivement en inférer? Et par exemple Dieu a besoin de prêtres? Oui, parmi beaucoup d'autres sens, Ditu a buoin du b<JmmtJ cela veut dire Dieu a voulu avoir besoin qu'entre les hommes et lui s'interposent ctrtains hommes. A la rencontre de cc Christ qui se détache de Dieu il faut que: se détachent de: leurs frères, pour l'accueillir au nom de: tous, ceux qui se tiennent pour choisis. Choisis par Dieu et par les hommes... Ainsi vont exactement les choses dans le: roman... De sorte que c'est vous, c:n réalité, qui manifesteriez peut-être cette tcndanct protestantedont vouscroyez devoir nousfaire: un reproche. * Le titre Ditu a bt.roin du h<Jmmu ne trahit certainement point, à notre sens, un livre qui prend pour épigraphe: la devise Stat Pirlult Dti et .rudort pltbi.r, "Debout par la gràce de Dieu c:t par la sueur , du peuple", tracée: sur une: pierre: de l'actuelle église de Sein. Et, lorsqu'on met en rapport la formule: Ditu a buoin du hDmmu et l'exaltation du rôle d'une élite humaine, chargée de rapprocher leurs frères trop faibles de l'immensité de Dieu, j'ajouterais volontiers que le titre rend peut-être: mieux compte du roman que du film. Le: Thomas Gourvcnnc:c du film a l'air, quand un véritable _prêtre débarque sur l'île, de retourner dans le rang sans grande difficulté. Comme si, dans son rôle: précédent, il avait été uniquement choisi par les hommes, nullement touché par un appel divin. Si dans son cccur avait c:n effet retentit la voix de: Dieu, peut-on croire qu'une étransc oppression ne l'assaillirait point au moment de rcnonctr à des fonctions sacerdotales, usurpées ou non ? Le: souffle du larg c éclate sur sa fact radieuse, plutôt que ctlui de: l'farrit-Saint, quand il gouverne: par bonne brise:, dans lrs derniers instants du film, sa grosse: petite: barq\!e goémonié:rc:... 0 Pourrait parler ainsi d'une influence protestante cl ne pas ~sidérer comme essentiel le scrupule affiché par les scénaristes qui, CO urne pas scandaliser le public, crurent _impossib!e de sui_vre. le Po man jusqu'au bout. Dans U11 Rectwrdt I lledtStw, le sacnstam- ~chcur allait jusqu'a dire la messe. Audace bien singulière? Audace ~urtant logique dès lors qu? la fin le. pc~sonn_age dc~'enait prêtr~. Dieu souriait à une de ses crcature~ qut lm avait force la mam et il \'amnistiait de sa fougue excessive. De.puis le début, \'~sprit de '?icu 'tait sur Thomas et peut-ètrc cc dernier, rebelle aux mtrospcct,ons ~itadines, \ïgnorait-il. cependant l'Esprit de Dieu était sur lui et ne le lâchait pa~. Dans le roman et dans le film, nous nous trouverions donc en face de deux log iq ues rel igieuses di/T(:rcntcs ... Est-cc bien sùr? Qgand il s'agit d'examiner le fi!m sous_ cet an$lc, nou.s en som.mcs ré_duits à des conjectures, à des sunples _impressions. l~1cn ne dit apre~ tout que cc pêcheur goguenard qm, en compagnie de tout son v1llagc, va 1 cter en mer le corps d'un suicide, rien ne dit après tout que !"Esprit de Dieu invisiblement ne \'enserre. Demain, apri:s-dcmai~, que se passcra-t-il quand le prêtre véritable retournera sur le cont1icnt? Thomas Gourvenncc a donné sa parole de ne plus usurper les fonctions sacerdotales : que pèscra+ellc devant les supplications !c ses frères et, peut-être et surtout, devant l'immense besoin qui nonte en lui de transmettre aux autres. malgré son indignité intd- :ctucllc et morale, le mcss.ige de Dieu? .t, dans ces perspectives, nous trouvons, à un autre endroit du film, ,es images-jalons vraiment bouleversantes. Lorsque Thomas ,ourvcnnec, debout devant l'autel dans ses haillons de pêcheur, les 1cds nus dans des sabots, s'apprête à répéter la messe. Convaincu l'infirmité de sa nature humaine, il se dit qu'entre lui cr Dieu :st désormais un point solidement acquis et qu'il n'y aurait plus -u de s'en inquiéter d.ins le détail sans se montrer A:igorncur. l! n'a 1s de belle ch:isublc, mais Dieu le prendra tel qu'il est, dans sa nue de pauvreté quotidienne. Dieu a be.roi11 des homme.r. . J une façon génfralc, d'ailleurs, il serait vain de s'appesantir sur s influences catholique ou protestante qui peuvent se rencontrer , jusqu'à un certain point, se contrecarrer dans le film. ~ e les )('.cialistcs de la petite histoire du cinCma se passionnent pour le roblèmt. Les autres, aSSC'L. vite, doivent regarder plus haut. .c film Ditu a be.roi11 dt.r ho1m11t.f propose une leçon d'exaltation cligicusc. Recevons-la au défaut de l'àme, dans cette z.onc indéc,:isc JÙ Hottent tour à tour le scepticisme et le désir de confiance. Ceci •'est pas la bond ieuserie dont il ne demeure rien, le plus souvent, ,1u'unc honte d'avoir été berné... Dieu a besoin de la bonne volonté humaine. Affirmer qu'il a besoin des hommes n'est pas un manque de respect et ne limite vrai~ent pas sa toute-puissance. Car cela revient à dire que Dieu aime l'ètre qu'il a créé et qu'il lui garde sa paternelle confiance. Qge rien decc qui se passe sur la terre ne le trouve indiffèrent. Qg'il a besoin de savoir que l'homme ne prostitue pas cette liberté ni cette grandeur qui sont en lui. Le Dieu qui a besoin des hommes n'est pas celui de tel ou tel philosophe, potentat qui crée le monde pour se distraire et l'abandonne à son destin. C'est le Dieu de \'ancienne et de la nouvelle alliance, qui ne: peut se résoudre, malgré leurs fautcs,àcondamncr les créatures, et, dans un acte dont la grandeur n·est pas à notre portée, envoie son fils sur la terre et le lais.~ mctlrc à mort, afin que le sang du Juste rachète l'humanité entière. De quelque indignité que les hommes puissent se rendre coupables, rien n'cmpèchcra plus qu'il n'y ait eu un jour un homme appelé Jésus, cruci.fié, au terme d'un procès ignominieux, sur une colline des faubourgs de Jérusalem. Pères et mères de Cami.lie haussent volontiers les épaules devant une ~ne de la Bible, celle du sacrifice d' Abraham. Leur amour paternel :t .maternel s'insurge devant cc qui leur semble un cruel caprice du Sngncur - demander à un père d'immoler son jeune fils, - la veulerie d"un homme trop dévot- exécuter un ordre divin contraire à tous lc:s enseignements antérieurs... Ils ne réfléchissent pas que cc sacrihce, non conrommt, dont la seule idée fait crier les nerfs, est d'abord un avertissement. Dieu se donnera un jour un ordre qui ne le cédera point en cruauté à celui que reçoit Abraham, et il l'exécutera. Jésus ne sera point immolé en effigie, ne sera pas conda1,mé à mort par conlUmacc, ne sera point gracié à la dernicrc minute, il mourra, et dans une espèce d'abandon toial. Le sacristain-pêcheur du film encourage ses compatriotes à chanter plus fort que le reste, dans le Credo, le" Et homo f,zc/1{.f e.rl ". (c Ça prouve que Dieu avait peut-être besoin d'être homme pour être Dieu. » Etce lan_sagc, à juste tit_re, choquerait un théologien. Le " Et homo J1zct11.r est " éblouit le sacristain-pêcheur. En ne s'incarnant point, Dieu ne pouvait sans doute cesser d0étre le ToutPuîssant, l'éternel créateur du monde, mais, aux yeux de cc pauvre en esprit qui sent sa religion avec une poignante exactitude, la vénération des hommes n'aurait pas eu, dans cc cas, le même caractère. Parce 9uc Dieu s'est fait homme, les hommes ne sont nullcmentautori~ésenvcrs lui à une nouvelle et orgueilleuse familiarité, mais dans leur prière la crainte peut céder à l'espérance. Dieu n'a pas joué le souverain qui sort de son automobile, quelques instants, pour cimenter avec une truelle d'or la première pierre d\m édifice. Dieu est descendu dans l'infini détail de la vie et de la mort humaines; il est nt dans la pauvreté, il est mort dans les transes; il ne s'est pas contenté de rapports officiels, il a vécu de l'intérieur, dans le déroulement du temps humain, scion les ressources physiques humaines, toute la condition de l'être qu'il avait créé.. ~ Entre \'homme et Dieu, depuis la mort du Christ, existe une solidarité manifeste et magnifique. Et pourtant, à certains é~ards, hommes et femmes de 1950 se trouvent dans la même attitude que cc personnage de la première scène d 'Athalie, Abner, qui n'aperçoit plus sur le monde la marque de la protection divine. La formule Dim II besoi11 de, homvze.f tombe à point pour redresser certains courages. Dieu qui veut le bonheur des hommes a besoin que les hommes lui apportent leur aide, mais c'est lui, à toutes les époques, qui assure tolllc la première mise de fond. Nulle malédiction particulière nt menace le monde moderne. • Les armes atomiques, les camps de concentration, ont mis a la mode les cavaliers de !'Apocalypse, mais, quels que soient les horribles prestiges de la puissance de destruction que leur science a confcréc aux hommes, cc serait lâcheté, cc serait déraison, de penser que le ,t:las va sonner pour la terre entière Nul ne peut annoncer \'avenir S11ile 1mye 148. Pierre Fru,w; et Dauiti Güi11 dmt.r rmt .râ1u du ji/111 de Jum Delmmoy. 77
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