Album du Figaro, N° 18, printemps 1949

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1 J ALJAN~J: ....,,..,,.,.~ ... - - • LANVIN PARFUMS 1, 1 VOlCI l.iA l\10DE EN MARCHE C'est un courant d'air, un tourbillon. La mode est avant tout mouvement. On ne peut pas la décrire au repos. On ne peut pas la porter immobile. Il faut, pour la montrer, bouger. Elle vit. Des pans inégaux s'animent, 1a robe roule, s'enroule, et finit par une écharpe qui devient manche ou cape. La houle, une vague qui déferle. Oublier le statique, ignorer les beaux drapés Ggés. Nous sommes dans le- dynamique, l'irrégulier, l'asymétrique, le capricieux. Il faut des foulées, des enjambées, de la fantaisie. Le volume et le relief se font dans la marche, la robe s'écarte du corps, se gonfle, se rapproche, colle, vole Le couturier, sans fil ni aiguille, joue des ciseaux et sa robe se construit à grands coups. Il ajoute des boutons, beaucoup de boutons, et la voilà terminée. On se moque de l'ampleur et de l'étroitesse. Elles existent et n'existent pas, tout dépend du mouvement. De grands panneaux se soulèvent ou s'enlèvent. On se moque de la longueur. Ce n'est plus la question importante. On ne va plus s'agenouiller avec inquiétude auprès d'un modèle pour mesurer au centimètre la distance de l'ourlet au sol. C'est impossible : l'ourlet est irrégulier, il plonge ici, il plonge là, il se soulève tout soudain. Quelques précisions. Il y a encore des tailleurs classiques, mais il y a aussi des tailleurs-bourgerons, des tailleursspencers, des boléros.étoles, des vestes en mouvement. Les jupes sont portefeuille, se terminent par un pli non repassé ou par un enroulé, on rejette leur ampleur rien que devant ou rien que dans le dos. Les manteaux n'ont pas la retenue des tailleurs; ils montrent avec éclat tout le caractère nouveau de la mode. Ils sont pyramides, amples, vagues ou repliés comme une coque qui se retourne. Ils sont kimono et la manche prend toute la hauteur de l'épaule à la taille. Poussés par la tempête, ils fuient au loin. Revers, cols s'allongent ou s'accentuent. A côté de pardessus droits, de redingotes - il en faut toujours - la cape et le burnous permettent le déploiement dans la vitesse. Les robes simples sont nettes, sarraux ou blouses, les 65

IACQUES 1-ATII 6/, robes plus élégantes s'enroulent en cornet de papier, les volants se plissent, les tabliers se replient et retombent en coquilles. Les pans libres mais qui font partie de la robe se retournent, glissent dans la ceinture ou couvrent une épaule. Le courant d'air qui souffle emmène dans son mouvement les décolletés qui sont déportés tout d'un côté, se creusent en profondeur ou plongent dans le dos. Les détails sont d'une immense variété. Poches énormes ou cachées, utilisées pour le relief ou pour la ligne, ceintures en matières inattendues (liège. raphia), cannées, Lorsadécs, cols entonnoir~ revers aigus ou roulés. Même le soir il n'y a pas de ro bcs uniformément longues. Certaines sont courtes, mais enrichies de pierreries, certaines sont droites, étroites, d'autres cloches à melon. Le coup de vent bouscule aussi les chapeaux. Les grandes formes sont rejetées en arrière ou rabattues de côté. Elles deviennent irrégulières et asymétriques. li y a aussi, t0ut différent, le petit bonnet bien collé à la tête; il défie la tempête. Le vent a chassé le brouillard et ses couleurs indécises. Les tons sont nrttoyés, tendres et frais comme des fleurs. Partout des nuances de capucines, aux rouges plus tomate que framboise, de bleuets aux bleus clairs et purs, de pavots, de blés mûrissants, mûrs, jaunes, dorés. Du bleu marine assez. doux. Des roses couleur de jolie fille, des roses fond-de-teint. La mode a la chance de retrouver de beaux tissus, secs comme les alpagas, le reps, doux comme la mousseline de soie. La vraie soie est revenue, à la fois raide et souple. L1 toile, le coton, le lin, tissus des champs, sont invités au bal. lis sont traités comme des failles ou des satins et somptueusement brodés. Les brodeuses et les dentellières, et les habiles petites mains qui font de la lingerie délicate, travaillent à longues journées. Partout de la dentelle, semblable à un tissu, épaisse et noble, et parfois rebrodée d'or. Tout cela pour l'ornement de robes qui sont vivantes parce qu'on les porte à grands pas, avec gràce et vivacité. Il P. A iaurbt : la rl«bt ,10,u Ja formt la pl,u rtduitt, t• toilt dt jutt r/011/t'I d'or. rbn,_ Jt1,q11u Fatb. A droitt : aii11, irrq,11litr, lt p/,u md,1,itu.1;. du bi.-oruu, t• p,,illt tt 1·t!M1rs noir, rbt7.,. Chri.rtim, Dior. C:IIRISTIAN DIOP:

6R PARIS PRESCRIT Le jour comme le soir les robes sont asymétriques, elles ne sont plus coupées mais enroulées, repliées et boutonnées. La taille est toujours à sa place, fine et bien prise. Les jupes sont légèrement raccourcies. La silhouette est plus vague. Des chapeaux très petits ou très grands. Le corsage à poches décollées et haut placées. Le coude nu : le gant ne rejoint jamais la manche souvent très courte. Des bas fumée, les bas chair sont proscrits. Des chaussures classiques à bouts fermés. Les cheveux courts, brossés en coup de vent. Des colliers larges, plats, formant plastron. Le boléro, noué sur le côté, dégageant une épaule De longs gants d'antilope gainant le bras avec souplesse. L'extrême légèreté de l'escarpin. .tCLA.TEl''T Ct:P&'\'DA~T Al/PllM DE LA CLASSIQUE TRILOGIE, 1':0IR, MARIXE ET DLA..'\'C. BIJOUX CAJIT!lél:, GANTS L. LB GRA!\ [), UlAUSSUl!.l'.S GF.ORGETill. 69

LE POINT DE VUE JVIA_SCULIN Les femmes ne font pas toujours grand cas, dit-on, du jugement des hommes sur les choses de la mode. C'est pourtant pour eux qu'elles s'habillent. Aussi avon.s-nous demande à quelques personnalités bien parisiennes de choisir au gré de leur inspiration, une robe dans les nouvelles collections et de nous exposer les raisons de leur choix. Nos lectrices pourront alors se faire les juges de ces juges. J'ai choisi cette robe du soir parce qu'elle est co111111e 1111 immense lampion d'organdi et me rappelle les 1 4 juillet de mon enfance. Ce que j'aime en elle c'est son faste atténué par des grâces de fête populaire. Cent mètres de plissés accordéon entourent d'une guirlande cette robe en organdi vert cru. Trois couleurs: vert, blanc, rouge. HE,'\'RI DECOI,'\' CHEZ GRES; A.R~IA,,'D SALACROU CHEZ UARCEL ROCHAS Prene-z cette robe de mousseline brodée de paillettes étincelantes. Faites-la porter un soir par une femme dont le cœur brûle de mille feux secrets et voilà sa destinée changée. Toute une pièce s'échafaude autour de cette robe. Il ne reste plus qu'à la faire ... Mousseline bleu-vert et droguet gris. Broderie de topazes et de paillettes. 71

En.semble en alpaga: noir pour k manteau,deton ficdlc pour la robe. DON CHEZ ,IACQVES FATH Pour un homme, une robe c'w d'abord un vùage de femme. Pourquoi pa, celui de ma voùine du moment: Iüta Hayworth? Je croù que ce manteau « Chantereine » lui irait à merveille. Si je me rnù trompé qu'elle rende ce que je lui ai offert par la penJée. HENRI SAUGUET CHEZ B A I.-E,VCIAGA On me dit que c'e,t un d1,habillé. Mais pour moi c' nt un manteau. Je l'ai choùi parce que j'aime le tbédtre : c'e,t un manteau d'Opéra. Je le voù Jt/r Je, épaule, de la reine de Navarre, dan, ln HuguenotJ. La pdleur de ,a faille ro,e et verte dan, la lumière brutale de la rampe, c'nt le mariage de la mélodie et du drame. Un dlshabilll très habilll, m faille à larges rayures roses et vertes.

-------------~-"""'_,..,....,.._...._ __c==---"-""'-'"""'"""""""'~"""'"""''=====~---- 74 Etroits volants en dentelle de: crin blanche, sc:mts de paillettC's irisw. ET FIGARO CHliZ GRES ANDRÉ LABARTHE CHEZ DIOR J'ai choisi cette robe parce qu'elle est lvocatrice de bulles de Javon, d'ondulation,, de tor,ade, et d~ interférences. Ses frù1on1 partent de la poitrine du modèle, ,e concentrent autour de la taille comme ,ur un foyer et ,e propagent largement en flot! vibratoire,. Elle crie autour de la Jilhouette un immense ré1eatt de pulsations divergente, qui aJJocient l'uthllique du mouvement! ondulatoire, à celle du corp, /1minin. Cette robe dont la 11101meline blanche et le ta/feta, noir mnblent ,ymbo/iser /'impwib/e union du jour et de la nuit, je l'ai choisie parce qu'elle porte en ,oi la meilleure définition de 1'//égance: invention, simplicitl, pol!ie.

LE PARIS DE GIRAUDOUX ?AR ANDR! HUCLER 76 N OUS partions souvent de la cour du Théâtre de !'Athénée, petite, discrète et intime, une vraie cour de vrai théâtre, cachée dans le fouillis joyeux du quartier de l'()péra, lui-même serré comme Je milieu d'un chou. C'était pour Gir:iudoux un abri sûr et fraternel, et il élait s.1tisfait d'y retrouver le silence, des grâces invisibles pour d'autres, ce qu'on nomme l'atmosphère, au 1>0int que, si on lui eût lancé un défi, il se serait mis, par gageure, à écrire debout, pour la concierge, pour les fenêtres. Sans compter qu'on pouvait toujours \'Oir du premier coup si Jou\"ct ét::iit ou n'était J>-1S dans ~on bureau. Enfin, l'on passait sous une voûte sombre et grave avant de quitter !'Athénée et ses odeurs de vieille famille française, ses poussières et ses souvenirs, avant de retrouver l'air libre, à peine plus clair, de la rue Caum:min, quïl faudrait d'ailleurs appeler c la rue des Caumartin, d11 11wme11I qu'il y eut beaucoup de Caumartin célèbres depuis le dix-septiènu siècle, et taus pare1Us, tous dignes, de par les pastes qu'ils occupèrettt, de voir lettr 11am en blanc sur l'émail bleu , Giraudoux préférait à la Comédie des ChampsElysées !e Tnéâtrc de !'Athénée, parce qu'il rst autonome, autarcique, bien pris dans unr croûte de maisons et qu'il dit bien ce qu'il veut dire, comme fait une préfecture ou un pont-levis ; de même il préférait à l'avenue i\fontaigne la 111e Camnartin, pourvue et vivante. et beauwup plus significative, avec ses hôtels, ses magasins et son bruit vrai. Nous tournions à droite et mettions bra• vement le cap sur Je lycée Condorcet, m=iis presque aussitôt nous nous arrêtions pour examiner des objets de cuir, dc.s fruits, des articles de_bijoutcrie fantaisie ou des cravates. Si quelque passant désirait voir à son tour cc que nous regardions parfois a,·ec intérêt, Giraudoux cédait sa place séance tenante, et sou,·ent il engageait la conversation, prêt à vanter les marchandises exposées, surtout si Je hasard Je mettait en présence d'une jeune fille. li ne redoutait pas les inconnus, et toujours gai au début de ces promenades, il paraissait aimer tout le monde, il avait confiance. Aujourd"hui, cette attitude fait songer au cheminement de son œuvre qui, par les jeunes femmes, puis les jeunes filles, puis les enfants. et enfin les fous, est allée de la sérénité à fa. colère et de !"entrain à la déception. Si !'on part de Su::anne et le Pacifique, ce déscnch:mtcmcnt se lit et s'entend jusqu'à La FaUe de Chaillot. Lorsque Siegfried apprend qu'il est Français, il s'écrie « Il va me falfair pre11dre des lunettes fumées pa11r t1i'l1abituer à ce j)llys flam,baya11t. Puis, lourd et léger, respectueux des fe,mnes et hardi avec elles, éperdu de raisamreme11t, délira11t d'esprit (ritiq11e, _ sawd d'harma11ie, je minerai désarmais zme e:"Ci.s• tence e11viée de taus. , Redevenu Jacques Forestier, il s'en va au bras de Geneviève, vers le Limousin, où tout est gazon, herbe naissante... Autre espoir dans la voix d'Tsabelle au second acte d'lntermeuo : c Taut ce qu'm1 na11s a appris, d mes camarades et d mai, c'est une civüisatûm d'égoïstes, une politesse de termites. Petites filles, je,mes filles, ,wus devio,u baisser les yeux deva11t les oiseaux trap colorés, les nuages trop nwdelés, les hammes trap 1,ammes, et devam ta11t u qui est d,ms la 11alure ,m appel au tm signe. Dam cette fausse p11de11r, celle obéi.ua11ce stupide aux préjugés, quelles a,xmces merveilleuses n'avons-mms pas rejetées, de tous les éloges d11 ma11dt!, de tous ses règnes. , Et, soudain, l'auteur si doux se lance dans le réquisitoire avec La folle de Chaillot : « ... taus ces l,ommes qui partout se do1111e11t des airs de ca11.str11cte11rs se sant voués seuètemc11t à la destruction. L'édifice lwmafo le plus neuf 11'est que le début d'1111e ruine. lis bâtissent des quais en détruisant les rives, vaye.:: fa Seiue ; des villes en détruisant. la campag11e, voye.:; vatre Pré--a11x-Clercs; le Palais de Chaülot en détruisa11t le Trocadéra. Ils disent q11'ils rawle,u w1e 111aiso11, pas du tout, je les ai abservés de près, avec leurs racfoirs et leurs grattoirs ils l'11se11t au moi,is de plusieurs millimètres. Ils 11sent t'espace et le âel, avec leurs lunettes d'approche, el le temps, avec leurs 111011/res. l'otcuj)lltian de l'l11111u:mité n'est q11'1111e entreprise 1miverselle de dbnolili<ni. , A l'époque des promenades heureuses, entre la répétition de Tessa et celle d"Electre, Giraudoux. confilnt, parlait ferme et net, et - persuasion ou puissance propre de la sagesse - personne n'osait le contredire. Il était d'un conseil précieux, enchanteur, et il lui aurait été facile de faire acheter la moitié d'une boutique par quelque client de passage, soudain channé, éclairé. Il lui suffisait d'entrer dans un magasin pour en être aussitôt le personnage principal ou l'amateur magnétique. On s'empressait ; on voulait répondre por des sourires à cc sourire, et, pour ce chercheur, trouver l'introuvable. - Peut-être ave.::-vous, disait-il ce jour-là, les Paysages bourbonnais de Paul Devaux ? - Non, 1w11, numsie11r... Cela a paru cl,e.:: qui ? - Aux Editions Bourbamwises de t'Ela11, en 1928, avec zme préface de VaJéry Larbaud. - Hélas ! 11011, 111misie11r, mais 11011s po14vo1u essayer de VOits prowrer cet 011vroge 1ni procliai11 ja11r. Vaus habitez le q11artier ? - Pas c:cacteme11t, réfxmdit Giraudoux, mais j'y viens taus les soirs. - V01de.::-vo11s nous laisser votre nom ? - Tairoux., oui, Tairo11x, avec un x ; le hasard veut que je porte l'anâe11 nom de la rue Ca1mwrti11. - Elt bùm ! c'est e,ue,lliu, 11w11sie11r Tairoux, IWIIS feran.s l'impassible paur vous satisfaire. - Vaus êtes l'abligea,ice même, disait Giraudoux, Et nous sortions, sans laisser d'arrhes, dans de fines émanations de respect. Sans doute, ce M. Tairoux était pour le libraire entouré de ses clients cc que disait de lui Anna de Noailles : c Délaissm1t le vieil 1mivers, il a créé 1m globe ncmveau, d'une finesse et d'une pureté de cristal. Et ce narghileh, il Je fume avec scie1ice et 11cmc/1ala11ce. Il dépêche vers naus des nuages e1icha11te11rs qui fan/ la gloire de la lilléral11re française. , Mais Giraudoux igno• rait ces phrases, qu'il n'eût assurément point classées panni les plus belles. Aussi bien, depuis Judith, il ne tenait )XI.S à parler d'Annn de Noailles. Je voulus lui demander pourquoi il s'obstinait à chercher les Paysages bourbomiais, dont il possé• dait un très bel exemplaire, mais déjà, dans une bataille rangée d'autobus et de façades, la gare Saint-Lazare apparaissait, ou plutôt brandissait son bouclier, qui est un hôtel flanqué de cours. Giraudoux n'avait aucun sentiment pour cette gare et venait la voir par pitié, parce que le problème des gares il s'était promis de l'examiner un jour, dans l'intérêt des voyageurs, parce que la gare SaintLazt<e embourbée dans son quartier tonitruant, person~ifiail la vie absurde, agitée et brutale des sociétés modernes. c Regarde.::, puisque 1w11s voiâ face à face, cette gare SaiiU-Lazare. C'est la plus a11ciem1e, car le premier tralll partù d'ici il y a ce,11 1111s (à vmts, brigade des a,miversuires l) et pa11rta11t c'est fa phis récente d'aspect. E!Je est du siècle du Vel'd'lliv' et des magasins à Prix 1111iq11e. Elle avait p11, dans s011 damaille propre, s'apj)llre,Uer à 1111e belle demeure, ,appeler m1 tan, 1111e 1node, le Paris de Zola (qui par parenthèses eut a11ssi tm Berthelot dans sa vie) le Paris de Dnmw,u, de Flaubert, voire celui de Jules lem;iître, comnu certai/1.s salo,is j)llrticuliers, co,1mu !'Athénée. No11, elle est hangar, Petit Palais, Tld:âtre des Cliamps-1:.'lysées. Autrefois se dévelopj)llie,U ici, comme les ramm,s de George Sand, les jarditis de Tivoli. F.h bie11 ! 011 n'a conservé, paur ce jour où 11011s l'itllerrageom, 11i 1111 frêne, 11i t1n fusain, 11i 1m mreau, ,,; m, platane, 11i 1111 merle, ni mie bergerm111ette ! Voilà pourquoi elle n'est pas w1e gare a11tl1&11tiq11e. Mais voye.:; : elle 11e se prése11te pas face au voyageur, donc elle ,i'est pas à sa place. Elle 11'a j)lls de buffet. Elle n'a j)lls songé q11e celui qui part au q1â s'évade avait besoin de revivre faute sa via entre le demie, lrattair et le compartiment. Elle n'a prévu a11c1111 recul paur le mo,,choir mallarmée11 ; elle n'évoque jamais l'appel 01i saldat. Ses banlieues sa11t trap rapprad,ées, ses gra11des lignes trap ca11rtes. Elle ne pram,et rie11. Je suis sûr q11e Paris a horreur de cela J Vc11e.:;, je t!Ois vous mo11trEr ce q1i'a,i aurait dû faire. , )fous eûmes beaucoup de peine à sortir d'une foule qui, )Xl.r vagues sans cesse renouvelées, se noue et se dénoue à cet endroit où l'on est obligé d'élever la \"Oix. Or !a Trinité s'offrait, douce et menue, non pas somptueuse par clle•mêmc, mais comme elle serait somptueuse dans un Marquet, avec ses gris si \"ariés, si veloutés, son square, ses enfants et cette sorte de trou d'air qu'c!lc creuse dans un carrefour où. sans elle, huit rues, dont une au sang vif, se seraient sauté à la gorge. Giraudoux rctrouV:lit un ID-Jsagc aimé. c Trinité de &lfo, clwrmant animal de pierre, égfise ca11fide11tielle aù je n'ai J(tmais vu persamie e1Urer, d'aù je n'ai jamais vu sortir per. somu, car la c1ia11ce ne t1i'a j)lls souri ; Trinité de &U11, lequel fil en sorte, ce d1ef--d'œuvre accompli, que san 1w111 fût celui de la rue des auteurs: colombier Renaissance et dJjd mc,Umarfrois, mais aéré, der11lère lialte au bas de la 1no11tag11e, mais spirituelle, c'est à cette plau, au milieu des mallleoux et des 1111ages, dm:.s tm callier de fe11êtres, si les .\farigny, les F~ntaine et les Hauss111am1 l'avaient voiJu, que devrait s'élever la vraie gare d11 11e1rviè11u arrmu.lisseme!it 1... Mais voici que passe un taxi /en/mit, car Je n'ai pas ot,bfié qu'il est l'heure de déieu,ur. Pre11~t1s-le avant q11'il ne soit trop tard, ce t~xi qui aurait p11 être le taxi célJbrc de la gare de la 1'ri~ 1Uté, celui de Proust au celui de Fargue, et faisonsnous co11duire au:c /Jalles, capitale Sai11t-Eustaclie, exactement au caili de la rue J'iquetomie et de la rue Montorgtwil, cetle-ci d11 110m d'1111 de nos co11frè• r~s _qui pra11onça le premier : Monseigneur le \lin, n _1~ ne 111e lrmnpe. V01is camwissez l'endroit, sa c1ns111e et son patron. Peut-être y apercevrons-,w,is Restif de la Breto1111e, Hubert Robert 011 Segan=ac, ou e11_care q11elq11e ma11ifesta11t attardé, pétrifié, 11sé d'avoir crié : A bas Gui.::ot ! trap langte,r.ps et pou, rie11. Je prendr<u 1111 turbot et 1111 râble de lièvre. N_aus camn,e11cerans par le Clwvig,wl, nous Pa11rsmvrmis por le J11lié11as ... , Giraudoux, qui était gounnand, ne revint pas sur cette décision, mais il étudia soigneusement la carte, pour voir s'il ne ratait rien. Restif n'était point ià, ni l'émeutier, ni Dunoyer. Kous avions pris place à côté de deux individus loquaces dont l'un, qui avait commandé un gigot, s'écria, à un moment donné : c Dis rlonc, c'est pas de l':tl!"ncau, ton truc, c'est du tire-fiacre l , Giraudoux n'employait jamais un mot d'argot. Dans un cas semblable il aurait dit, et encore à voix basse, de crainte de choquer : c Cette vi:mde est fenne. • Au dessert, il interrogea le patron de l"étabfüse• ment sur la. valeur et la qualité des hôtels du quartier, car il aimait les l:ôtels, leurs odeurs, leurs frissons et leurs chambres, ces petites cellules pour écrivains. Mais il ne fut guère satisfait des renseignements qu'on lui fournit et se mit à rêver tout haut d'un nouveau taxi qui, par la. place des Vosges et le Marché aux Fleurs, pourrait le conduire au Théâtre de !'Athénée où il avait affaire, Tl a"imait la place des Vosges comme on aime une cousine éloignée, restée belle et diserte, mais qui vit de petites rentes et ne reçoit guère. « 011 e,rtre ici, disait,il, com11u dans la plus belle amwirc du mabilier 11aûo,uù. , Puck s'était assis pour regarder les jets d'eau, il semblait s'être découvert. Et nous restions là, sen• siblcs au channe <les briques roses, à la ligne des toits. Une chanson douce et subtile, d'une écriture parfaite, s'adressait à un sens autre que l'ouïe, c1uî naissait pour nous de cette mesure vi,-antc. Giraudoux aimait aussi que cet endroit eût été baptisé du nom du département qui, en 1789, s'était acquitté le premier de ses impôts. Il y avait là, à son sentiment, une jeune correspondance heureuse entre l'esprit de la vraie France et ses grâces. Puis il commença : « Si 11a11S 01:io11s le temps ... ,, mais nous n'avions pas le temps, et je sentais déjà qu'il était gar;né par un désenchantement dont on ne pouvait être informé que p:u ses brusques silences. Il Y avait moins de malice el moins d'éclat derrière ses lunettes. Il avait deviné des existences sordides derrière ces murs nobles, il avait entendu des paroles grossières, i! avait aperçu sous !e bras des porteurs les journaux du soir, signes d'un laisser aller général. Le taxi nous avait attendus, pensif lui aussi, et il nous sembla qu'il roulait plus lentement, de la rue de Birague à !'Hôtel-Dieu, à travers des quartiers, des paysages parisiens c qui ont perdu, a11 vo11t perdre, pfas ensevelis sous les dégagements que Babylo1,e sous so" sable, leur époque, leur âme et leurs traits., Quai aux Fleurs, celui qui pensait à l'entretien et à l'embellissement de la nation autant, sinon plus qu'à son salut propre, fil arrêter la voiture et, avant de me tendre la rrr.i.in, de choisir le jour, l'heure et le lieu de notre prochain rendez-vous, me dit, tout souriant et désireux de n'avoir, même en apparence, aucune complicité avec la mélancolie : ; r : , ~ ; ; ; s! " ~ : ; t ; ; , r , : , ; ; t i a f ' : e : e ;fr/;11; 1~'i::i:~~ natio,i 1i'est j)lls 111Q11 fort . L'esprit pratique... mais ce serait 1111e autre 1iistaire. Je -..,eux dire que j'éprouve toujours une ématio11 à 11~'arrêter ici, au milieu d~ Paris co11mie au milieu de l'acéa11, et de sa11ger, même dans ce décor de jardi11 factice et joli, où taut est aérie1t, où tm1t est coloré, que le passé a deux mille mètres de prafallfleur. A i'accasion de fauiiles, exactement à l'endrait où vaus êtes, peut-être, o,i a retra1wé naguère le squelette et les OIIJÜs du premier 011vrier de Lutèce, cehii do"! le premier caup de piocl,e a fait jaillir tout Je ne sais pas si Jean Giraudoux avait affaire nu Théâtre de !'Athénée, mais je voyais bien qu'il allait être en retard à son rendez.vous avec la solitude. « /JIOi q1d n ..: c-onnai••al• pn• Pari•, /e r..:gardal• •an• ardeur e l dlgn e ... ,i,. nt, aln•I qu•II •led pour un point d,i,. d <#:part, ceUe vllle q1d 4 tou• le• <#:tre• ..:•t l e p o int d'arrivée., et o ü I..:• gen• de 1•u,.1ver• 14cllant ..:n/f.n leur• v aU•.,•• co ...... e dan• le• cirque•, • e •entent pour fa pr..:...l ~ re fol• libre • et bo,.~ll••anl• ", {8..anne et. le P•dflq"") 77

LA NOUVELLE ~IODE PUJCES DÉTACHEES CE M):,,'T DES D~TAJLS AVDACH:VX ET o•~'E Gll,U,'DE VIRTVOSIT.t Qlll oo:..>x&.vr A LA SILHOUETTE DE ..Hl:,,"l'EMPS SU~ C,UlA.CTlf::H•è D'ACTUALITt. Le Faux boléro JEAN DES.S~ Le col Coup de vent Le décolleté A symétrique Le revers Trompe r œil Le dos Blousant Les pointes R abattues La manche Surprise 78 79

80 JACQUE..~ FA.TH Ccttc étroite robe en lainage met en valeur deux carac1fris1iqucs particulières à la collection de Jacques Fa1h : lig~c auncéc des (paulcs que souligne ici l'opposition des couleurs, tchaocrure « en cosse», entrouverte sur le boutonnage. Une cloche cmboîtaote complète la silhouette. W0rth. - Surah vert changeant à pois blancs. Un plisst volante la berthe Cl la basque plongeante. Chapeau en cirol grège, de Maud Roser. Marcelle Dormoy. -Toile granitée ficelle à pois blancs. Poursuivant l'asym6.ric du corsage, une quille, en forme, masse sur le côté l'ampleur de la jupe. Chapeau en bakou naturel et gros grain noir dt Simone Cangt.

r - - - - - - - - - - - ~ - - - - - , - - - - - - - - - - - .:i ::::==::==========================::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::..:- Lainage vert mousst. L'ampleur, massée en arrière est rct(nuc par une longue martingale. Un fil à fil beige prête sa sècheresse' à cette robe fermée par un double boutonnage. TF.,ANNE LANVIN CHRISTIAN DIOR. Uu lainage à damiers noirs ct blancs sen ici tmc coup= subtile. Chapeau de Maud Roser. MAD CARPENTIER OUANtt LE MANTEAU DEVIENT ROBE Alpaga cr~mc. Le corsage, échancrt jusqu'à 1a taille, est croisé devant et dan~ le dos. MARCELLE CHAUMONT Toile de laine grisc. Bolfro eo u-ompc-i'a:il au dos du corsage. Chaprau de Maria Guy. MARCEL ROCHAS

La Nouvelle Silhouette est de Profil

1111111 LES OU!TUE ,10IES DE U I.e figuratif Shcd!in, l';ihstrnit Sch ncidcr et Je surrbilistc Coutnud discu1enl :ivcx: passion de J'aveuir de la 1ici11turc. JEUNE PEINTURE A ~;ec:=~:er°~a 1 ~::~a:~o~o;s :t~n~I= ~::::~ il est normal que la peinture ne soit plus ce qu'elle était au temps des diligences. En attendant que nous ayons une école c aérienne >, la peinture terrestre cherche sa voie. Quatre directions la sollicitent. ·••; 1~T U llE ··•GUH A'l"l \'t,;. C'est !:J. peinture de toujours qui consiste à rcprCscnter un objet. Elle est caractérisée ici par un procédé que l'on pourrait appeler celui de c l'œîl à facettes >. Il consiste a voir le modèle comme si l'on était doué d"un œil de mouche qui multiplie les images ou comme si on le regardait à travers un morceau de spath d'Islande, matière qui engendre le phénomène bien connu en physique lPJ.S en peinture) de la double réfraction. Exemple : SHEDLIN, 40 ans. AIS.lcien. A 23 ans est allé à pied à Tolède pour y contempler L'enterrement du Comte d'O,ga:::, première m:inifestation de la peinture d'avant-garde. A exercé de nombreux métiers, entre autres marinier, avant de pouvoir S'..' consacrer entièrement à son an. Figure parmi les six noms retenus pour le Prix de la Critique 1949. l'EINTUltE EXPH.:SSIONNISTE. Celle-ci a pour objet de traduire les angoises métaphysiques de notre époque. Choisit ses sujets parmi les objets les plus quotidiens el se cantonne volontairement dans les tons neutres. Sous son apparente naïveté exige un métier aussi sûr que celui de l\l. Ingres. Exemple : Bernard BUFFET. Parisien qui vit en ermite à Garches. A fait un court stage à l'Ecole des Beaux-Arts, juste le temps de s'apercevoir qu'il s'y fourvoyait. Est le champion de la peinture triste qu'il peint d"une palcne endeuillée et où le dessin remporte sur les volumes et la couleur. L:iuréat du Prix de la Critique 1948. Malgré son jeune âge, a dejà retenu l'allention des m.1rchands de la 57• Rue. ·••:INTUltE A.BSTHAITE. Avec elle l'œuvre picturale ne vise plus à représenter quoi que ce soit. C'est une composition gratuite, comme une composition musicale m:i.is avec cette différence que l'auteur ne veut exprimer aucun sentiment et qu'il ne se plie à aucune des lois de la mélodie. On peint comme l'oiseau chante pour obéir à S.'.l nature sensible. Exemple : SCH:,./EIDER. 53 ans, d'origine suisse. Ancien élève de Cormon et impressionniste repenti L'art abstrait est devenu pour lui la seule forme d'expression. Sa peinture exprime son état d'âme du moment : allégresse, sérénité ou mélancolie. La gamme des états-d'âme n'étant pas très étendue cela semble limiter le champ d'action du peinlre. Mais il y a les dièzes et les bémols. On peut peindre aussi la supereuphorie ou la sub-mélancolie. l"EINTURE SIJKKeALISTE, Est l'apanage des héritiers avant la lettre de Salvador Oali. Exige de s'être longtemps abreuvé aux grandes sources classiques. On y trouve des modelés que Carrache n'eût pas déS.'.lvoués et des • ton sur ton• dignes d"un Oudry. Demande aussi beaucoup d'imagination poétique et une certaine dose de fantaisie. Exemple : COUTAUD, 44 ans. Méridional, surré• aliste sans appartenance. A un style de p!us en plus élaboré. A peint des décors et des costumes de théâtre: • Les Oiseaux •, d'Aristophane, chez Dullin ; • Le Soulier de Satin • de Claudel, aux français, • Jeux de Printemps., de Darius Milhaud, à l'Opéra•Comiqu~.

SCHlA l'A I\ ELLI SS Le tailleur de Balcnciaga, d'ottoman blanc finement rayé de noir projette en arrière la basque de sa veste et un pan détaché de la jupe ample. L'étroite robe de Schiaparelli, en toile de laine, posséde un col asymétrique et un boutonnage de côté. Elle se complète d'un boléro-étole. Le modèle de Robert Piguct, en crêpe noir, se drape aux hanches, s'enroule, revient et finit en une écharpe frangée. Chapeau de Paulette. L'HEURE HABILLÉE 89

Raphatl: trîcotinC' marine, jupt à plis CfC'UX dans le dos, gilet de piqué blaac. Chapau dC' Maud C'l Naor, O'ROSSC'D: flancllC' grise à rayures blanches; blouse dC' piqué blanc, Chapeau m picot dC' Jan Barthe!. Herrnff : laiaagC' grège bordé dC' doblis sur pied de poule marron C't blanc. Chaptau dC' Gilbert Orcd. le tailleur qui ose dire son nom Carven: flanC'lle ivoire Ciktéc noir; pioces donaaot un C'ffet de corselet. Chaptau noir de Maud et Nanc. Au milieu des collections pleines de fantaisie, le tailleur apporte la note sage et classique.

Jeanne Lanvin. Robc tailleur d'alpaga noir, ceinture b::aille. - Schiaparelli. Robe de gros-grain noir à double jupe cornet. - Sur la page de droite : Robert Pîguet. Manta.u d(pais lainage. - Pierre Balmain. Boléro beige, jupe noire, blouse p&inée. - Jean Hcn et Suz.aone Bclperron. Bijoux en pierres pr&:iruses. JRANNE LANVIN JEAN HJ'.RZ RT SUZANNB HELPUII.ON

94 Des boutons de corozo noir bordent les devants dece manteau <<carapace» de Molyneux, traité en lainage bleu pervenche et doublé de faille noire.• Un grand col châle, replié et drapé, dégage largement le cou dans cette robe en taffetas changeant façonné de Jean Patou. - Cette redingote juponnée de Worth, en gros ottoman noir rayé de satin, garde un classη cisme très élégant. - De Faquin cette robe de mousseline grise finement striée de noir. Un travail de plis remontés accentue le galbe des hanches. - Toute l'ampleur est ramenée en avant dans cette robe de percale rouge à dessins cachemires noirs, de Jeanne Lafaurie. Une poche est drapée sur le côté droit. L' lH: U H E HAB l L LÉ E La taille haute est morte, la taille basse agoruse. La taille est à sa place. Jr,ANNE I.AFAUIIIE PAQUIN 95

UN HUMORISTE Rallye-champag,w chez Jean Dessès. La presse étrangère. Le dessinateur clandestin. chez LES COUTURIERS La prEaenlallon dea collection•, c'e•I un de• Instant• de Parla, d'un Pari• dont lea grdcea a'au::cosnpagnent Le chapeau-guérite de Schiap pour les bains d'ombre. de (l.xer au crayon d'un hunaorlate. Café maure chez Rochus. Le "Jardin" se replie en bon ortlre. / Chez Balenciaga: La pêche miraculeuse. Michel de Brur,lwff: Une cycliste signée Balmain est garantie faite à la main. une cigarette qui en dit long, La robe avec quille pour femmes instables, •' ~\ \ \ Le soleil se met mi balconet. Simone Simon chez Piguet. Maitre ne nous laissez pas succomber à la tentation ..• L -~ Dii haut ,le ces pyramitles.,. Rita Hayworth chez Jacques Futh. Défense de monter sur les chaises. Christiari Dior chassant la copieuse du Temple.

98 PAUL GUTR BERTllAND FLOllNOY. CHEVALIER n L' HlAZONE I.E l'ETIT PATRICK F'LORXOV ~E ''EUT l"AS f;:TKE EXl'LORATEIJR, POIJRTAl'.T l'."A•T-IL l"AS Df'..IIA I.E REGAllD Dl, SON, Pfi:RE ? J e connaissais !es missions de Bertrand Flornoy dans les forêts de l'Amazonie, parmi une mixture de boue et d'arbres-cathédrales. Sa lutte contre un climat d'éponge i poisons. Je m'attendais donc, au moins, i une carrure d'audace et i un menton de témérité. Or l'homme qui s'avance vers moi a la démarche d'un promeneur de Passy ou le balancement du bibliophile qui contourne son bureau pour prendre le Journal de Gide dans sa bibliothèque. Son visage, assombri d'yeux couleur de café, rassemble les traits d"une modestie incurable. Les cheveux se concentrent en une vague autour d"une raie modérée. Les sourcils hésitent à ombrager le regard de trop de fatalitê. L'œil gauche demeure presque toujours clos, pour se garder, semble-t-il, de la fumée de la cigarette. En fait pour dêléguer SCi pouvoir à J"œil droit, par discrétion. Bertrand Flornoy, explorateur, n'a pas d'appartement fixe à Paris. li balance entre plusieurs locaux, haltes ou repaires où nous pourrions nous scruter. A l\fontmartrc dans deux chambres sans pittoresque ? Près du Palais de Chaillot, chez; des amis qui déjeunent avec la Tour Eiffel dans leur assiette ? Il choisit l'hôtel Baltimore, avenue Kléber, où il séjourna par foucades. Toujours fumant, révant, hâlant à sa voix mesurée des souvenirs qu'on doit extorquer à sa réserve, i! me démonte son horloge intérieure. Il naquit à Paris, !e 27 mars 1910, sous le signe du Bélier, qui, dit-il, porte des soucis à la pointe de ses cornes. Fils des • beaux quartiers > : la plaine l\lonceau de la • Famille Boussardel > chantée par Philippe Hériat. Avenue Wagram, rue Jouffroy. Son père et sa mère venaient des provinces de la modération. l\lon père, tourangeau, vivait en ces temps heureux où l'on pouvait c avoir de la fortune>, sans situation. li a fondé, avec Albert de Mun, les cercles catholiques ouvriers. Sa mère, charentaise, appartenait à une famille de fabricants de cognac. 11 me signale que les Sarrasins sont montés jusque là, que l'église de son petit village de Saint-Brice a l'aspect espagnol. Et ies haricots se disent, en patois charentais, les 11umgeotles, prononcées les manjeottes a,•ec la jota espagnole. D'où le café dans les yeux. l'RÉPAU}SA Ql!ATRrniUE !IISSION Le pays où le cognac mfait cinc1uante ans dans le chêne lui conféra b patience. Le terroir où l'on distingue !es eaux de vie de /a grand<J Cllampag11e de celles de la petite. et celles des Jills bois de celles des bons bois lui enseiina la hiérarchie des valeurs. C'est dans cetl!:! odeur d"alcool et de chêne qu'il ret;;ut son futur premier souvenir. - Le 4 août 1914. sur un b:inc, à côté de la garenne, ma vieille nounou bretonne. en entendant les cloches, s'est mise à pleure~. li fut mauvais élève. à Paris. chez les Jésuites de la rue de l\ladrid, el bon. rue Franklin. L'amitié, déjà, le gouvernait. Rue de :\fadrid les outres boursouflées des omegas grecs, et le triple foutt des xi le ttrrifiaient. Rue Franklin. il suffit d"un prêtre souriant pour l'apprivoiser à ces croquemitaines. Par contre, d'autres professeurs l'avaient dégoûté des langues étrangères. Cet itinérant ne les apprendra ensuite. par force, que dans la 1>0ussière des routes ou les tournoiements d"hélices des bateaux. En ce temps-là, quand on lui demandait: c Que veux-tu devenir quand tu seras grand ? >, il répondait : c Père d.! fomille >. Les études religieuses l'imprégnaient plus que la philosophie. Il est resté profondément catholique et se reproche de ne 1>oint pratiquer par l'agenouillement et la prière autant que par le cœur. L'appel de l'Equateur Le premier scandale, à dix-sept ans, fut, pour lui, d'entendre, à Saint-Pierre de Rome, les étudiants italiens hurler comme dans 1.m théâtre : l'ive le Pape ! Son second scandale. la même année, mais qui fructifia dans son esprit, fut. en sortant des mains des Jésuite~ qui lui répétaient : c !"homme n'est rien ,, de lire dans Kietzsche qu'il est tout. Cet être tendre n'alla pas à l'exploration par les livres, mais 1);lr les hommes. Au collège de la rue Franklin il s"ét:iit lié avec deux jeunes gens de !'Equateur : Laurent et Fran<;ois 1\Iolina. Il fut séduit. dès le début. p,.1r ces Sud-Américains. Il les trouvait tels que Kayserling les a décrits. A la surface. exubérants. ,·olatils. En réalité attachés à leur terre, à leur sani. Laurent et François l\lolina, équatoriens. ne savaient pas l'es1>agno!. Flornoy !'apprit a\"ec eux. Ses deux amis, parlant fran<;ais. lui apportaient leur 1>ays tout traduit. Je me réjouis de cette conception si classique, si intérieure. de l'exploration. Flornoy ira étudier les sauvages, comme Racine étudia les Turcs dans Baja:et. :-:on pour leurs pantalQns à gigots ou leurs turbans en citrouilles mais pour le feu de leurs passions. Il voulait aller acheter à l'Equateur une 1>1:i.ntation de cacao. Un agronome frant;;ais s'écria : c Malheureux ! Il y a une grosse maladie dans J~ cacao. Vous en avez J>OUr sept ans ! ,. Le ver du cacao rongea les comptes en banque des milliardaires sud-américains de Paris qui durent rentrer d:ins leur pays. Ce fut l:t fin de leur farniente éternel, avenue du Bo:s. Bertrand Flornoy s'embarqua it All\·ers en 1932. La première terre sud-américaine qu'il vit fut Cura<;ao. En plein soleil c'est une b:inlieue immonde, noyée dans les fumées des raffineries de pétro!I.'. A la fine pointe de l'aube, ces petites maisons hollandaises aux volets \"erts encadrés de jaune et de rouge lui app.1rurent comme un ravissement. 11 débarqua à Guayaquil, que les Equatoriens a1>J>ellen1 la perle du Pacifique, qui lui fit un 1>cu l'effet d"un four de boul:tnger. Il passa six mois â Quito, la capitale, à 3.000 mètres parmi le:; vieilles églises, les couvents, les jardins et les fleurs. Ayant enjambé le cacao, il voulut tenter l'édition à Paris. Il lisait la ~- R. F., Fargue, Max Jacob, Saint-Exupéry, qu'il ne rencontra que par hasard à Alger en 1944, attendant le tramway avec un paquet de romans policirrs i cou\"erture citron sous le bras. li prit comme meilleur ami l'éditeur Lauga. li épousa la fille d'un éditeur. Mais l'Amérique du Sud le hélait toujours par-dessus l'eau. Les petits hommes bronzés Alors il se mit à lire des livres sur les Indiens, pour justifier sa passion, et à suivre les cours de l'Institut d'Ethnologie. Tl avait vu les premiers Indiens depuis le train qui le menait de Guayaquil à Quito. Des petits hommes à peau de bronze, vêtus du poncho : une couverture, 1>:irfois bariolée, avec un trou pour la tête. Un chapeau de feutre rond. des savates de 1>eau de vache. Il devait consacrer sa vie à ces taciturnes. à ces emmurés qui se changent en pierre devant l'étranger. Il voulait percer leur croûte de mystère, comprendr~ leur langue, le quechua. Désormais ses compagnons de vie et ses énigmes allaient être l'indien de la Cordillêre el l'Indicn de la forêt, celui de l"air glacé et celui de la boue. Il se lan<;a, d'abord avec Jean de Guébriant eL Fred Matter, pui~ tout seul. dans ses trois expéditions dans le haut Amazone que le public connait. Il m·explique comment on 1>répare une expédition. On choisit le pays : !"Amérique du Sud, l'Amazone, les Indiens. r;nsuite on prépare les cadres du travail de recherche. Quelle enquête ethnographique fera-t-on. sur les mœurs, les conditions de vie ? (._>uelles questions anthropologiques sur l'homme, ses caractéristique;, ses mensurations ? Puis la préparation pratique. Le matériel de campement pour la forêt tentes, lits de camp. mou5tîquaîres. couvertures, sacs de couchage. L'équipement 1>ersonnel : boues. shorts, savates et vieilles chemises pour la pirogue. l-hches, maneattx, scies. La pharmacie contre le paludisme, la dysenterie, le pian, microbe pareil au spirochète de la syphilis, Le ravitai!lement conser\"es, farine, sucre. sel. café, chocolat. lait en poudre. Le matériel scientifique : les trousses d'anthropologie, les questionnaires linguistiques avec les mots usuels. Le nécessaire de taxidermie avec l'alun et le formol pour préparer la peau des animaux. Le~ appareils 1>hotographiques, les cameras. Les objets d'échange à donner aux Indiens toile bleue, blanche ou rouge pour faire des pagne5, fers de haches, couteaux, aiguilles, fils, miroirs. Le matériel de chasse: Winchester, fusils de chasse. pistolets. Bertrand Flornoy déteste la chasse. Il n"a tué qu'un singe et sa l>Ctite âme le poursuit. - Il me regardait sur un arbre. gentiment. J'ai eu une réaction d'imbécile. Enfin les distractions : livres, phonographes. A ce propos Flornoy admire le pouvoir de la musique sur les Indiens. Les airs de jazz les gonflent de rire. Quand ils entendent des voix au phonographe, suite paye 17G S!1r 1111 aff/uwt dr f"Ama1_o11t: à Ill pro11t, 11111 iiulitmu i1mro g11îdt /11 piro.t,m dmu lu co11ra11t.r. L'txplorateur pat,ll)'f m po11j1t. E11trr rux dwx, Ir pa11itr à prori.1îo:u. Ercal~ ~ur lu quais d~ St_i11r: &rtrmid Flornoy .r'i11tért.r.rt aux v1t1lltse.rtampuq111 lu, rappellmt lu oi.Jeaux dt.1a forft. 99

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