Les ateliers de restauration et de conservation préventive
Montrer pendant quelques mois et conserver pendant des siècles sont les deux missions d’un musée. Le travail du service de conservation-restauration s’inscrit dans une démarche de conservation qui a pour vocation de prolonger l’espérance de vie des collections.
Les réserves et ateliers de restauration et de conservation préventive du Palais Galliera comptent parmi les aménagements les plus vastes d’Europe dans cette catégorie, avec une superficie de 6.300 m2 distribués sur trois niveaux.
L’espace se divise en deux parties bien distinctes : les ateliers et les réserves au rez-de-chaussée, le lieu de stockage des pièces dans les sous-sols.
Les lieux
Les ateliers se composent de différents espaces répartis en fonction du parcours du costume depuis son arrivée jusqu’aux réserves:
- Une salle de transit.
- Une salle de restauration divisée en deux pièces séparées:
- La "pièce humide" où sont réalisées toutes les interventions utilisant de l'eau et des solvants. Cette pièce est équipée notamment d'une table de lavage, d'une table de verre pour la mise à plat droit fil des textiles, d’un équipement pour la réalisation des teintures des tissus de support et d’une hotte aspirante pour l’utilisation des solvants.
- La "pièce sèche" où se font les autres interventions et l’étude des pièces. Elle est équipée d'un mobilier conçu sur mesure ainsi que d’un éclairage lumière du jour artificiel. Tables mobiles et espaces de rangement constituent l'essentiel de cette salle, où s’effectuent également les travaux de couture pour les supports de stockage ou d’exposition.
- Une salle de dépoussiérage où se fait la micro-aspiration dans le cadre de la mise en réserves des œuvres ou après leur retour d'exposition.
- Une salle de mise en quarantaine.
- Un studio photographique.
- Une salle du stockage du matériel.
- Une salle de mannequinage.
Le stockage des pièces requiert des conditions spécifiques optimales respectant les normes internationales fixées par l’ICOM (International Council of Museums) : maintien d’une atmosphère constante à 50 % d'humidité relative et d’une température de 18°C, filtrage de l’air afin d’éviter le maximum de poussières et protection des pièces dans des housses et conditionnements en matériaux neutres.
Les réserves, dans les sous-sols, sont organisées pour contenir l’ensemble des collections du musée dans l’observation stricte de ces conditions de conservation. Regroupées par périodes historiques, par volumes, par séries et par griffes, les pièces sont suspendues ou bien rangées à plat selon leur fragilité. Elles logent dans un mobilier métallique et disparaissent dans un dédale de travées. Enfermées dans des tiroirs sous des housses de coton dit décati, protégées de la lumière, de la poussière, les pièces sont tenues à l’abri des regards.
Le mobilier, spécifiquement conçu, est en métal recouvert d'une peinture époxy à chaud. Ouvert pour une meilleure ventilation des œuvres entreposées, il est divisé en deux systèmes de rangement: les vêtements sont suspendus dans la partie supérieure, lorsqu’ils peuvent supporter ce mode de stockage, ou conservés à plat dans les tiroirs de la partie inférieure lorsqu’ils sont trop fragiles ou que leur poids et structure n’autorisent pas la suspension.
Restaurer
Les principes généraux de la restauration textile sont identiques à ceux de tout objet d'art : lisibilité, visibilité, compatibilité et réversibilité des interventions. Action curative complexe, elle se fait dans une optique de conservation : le but n'est pas de reconstituer, mais de consolider une œuvre en assurant sa pérennité et son intégrité. Seules les techniques réversibles sont utilisées, ce qui a été fait doit pouvoir être défait ultérieurement avec le moins de dommage possible pour l’objet. Les restaurateurs interviennent sur les objets et ils sont aidés dans certaines tâches par d’autres membres de l’équipe, notamment pour la teinture et la préparation des tissus de support.
Les temps d'intervention sur une œuvre sont très variables et peuvent atteindre jusqu’à 3-4 mois de travail. Si besoin, les restaurateurs textiles élaborent un cahier des charges pour les restaurateurs extérieurs et suivent leur travail, en relation avec le conservateur.
Le lancement d’un chantier de collection consacré aux accessoires en 2009 a abouti au recrutement d’un restaurateur dédié à ce fonds. Face à la diversité des matériaux (cuir, bois, métal, paille, ivoire, écaille…) composant ces œuvres, une rotation de restaurateurs spécialisés a été privilégiée. Après une première campagne consacrée au métal, l’équipe compte désormais une restauratrice spécialisée dans le cuir et le papier, matériaux présents dans nombre d’objets notamment les sacs, les éventails et les chaussures.
Deux étapes principales pour la restauration d’un costume :
Le nettoyage :
Chaque étape du nettoyage doit être réalisée avec précaution. Lors de la micro-aspiration, la brosse souple utilisée pour soulever les poussières comme la force d’aspiration, doivent être adaptées à la fragilité de la pièce. Le lavage à l’eau déminéralisée ou au solvant, additionné d’un faible pourcentage de détergent neutre, est une intervention lourde qui ne peut être pratiquée que dans de rares cas. Ultime étape du nettoyage, la remise en forme se fait à plat, à l’aide de plaques de verre, de poids, ou à la vapeur sans ajout de chaleur. Le repassage est quant à lui prohibé : le fer à repasser écrase et détériore la fibre textile, provoquant des dégradations irréversibles.- La consolidation :
Cette intervention se fait au moyen de textiles de support ou de protection, compatibles avec l’œuvre, teints au sein du service. Le textile de support, doublant le tissu original, soulage ce dernier d’une part des tensions. La consolidation se fait à l’aiguille courbe avec des points de couture spécifiques à la restauration.
Conserver
Le textile est une matière organique très fragile. L’état de conservation de chacune des œuvres de la collection est très variable. Cet état dépend d’une part de la nature et de la qualité des matériaux qui constituent le costume, et d’autre part du parcours qu’il a suivi jusqu’à nos jours, de son « vécu ». Les problématiques sont les mêmes pour les matériaux divers qui constituent les accessoires.
La conservation préventive agit sur les causes de dégradation aussi bien dans le stockage, la présentation, la manipulation, que le transport d’une œuvre. Elle doit assurer la pérennité et l'intégrité des œuvres en les protégeant des dégradations naturelles ou accidentelles. C’est une ligne directrice qui guide l’ensemble des activités du service : minimiser les manipulations, prendre en compte la fragilité des pièces, utiliser des matériaux appropriés à leur conservation.
Elle a pour finalité de s'intéresser au plus grand nombre d’œuvres, en s'attaquant aux causes plutôt qu'aux effets de la dégradation ; il s’agit donc d’actions indirectes sur la collection (conditionnement, surveillance du climat en réserve…).
Exposer
Le textile est particulièrement sensible à la lumière qui a pour effet de décolorer voire d’accélérer le vieillissement des fibres. Un costume exposé pendant quatre mois à une lumière d’une intensité de 50 lux maximum devra rester au repos en réserves pendant 4 ans à l’abri de la lumière. Deux phases précèdent la présentation d’un costume pour une exposition : la restauration et le mannequinage c'est-à-dire la mise en volume sur un mannequin.
Afin de pouvoir être exposé, un vêtement doit être assez solide pour supporter les manipulations et la présentation sur mannequin pendant plusieurs mois. Une fois consolidé, le costume peut être mannequiné. Une telle opération peut réclamer jusqu’à une journée de travail par pièce quand il s’agit d’éléments complexes. Lors d’un montage d’exposition, l’équipe mannequine pendant 1 mois. Le but est non seulement de restituer la silhouette d'une époque donnée, mais également de soutenir les costumes pendant toute la durée d'exposition. Lourds et parfois altérés, ceux-ci doivent supporter leur propre poids pendant plusieurs mois, usage pour lequel ils n’étaient pas conçus. C’est pourquoi certains doivent être présentés à plat. Le mannequinage emploie des matériaux chimiquement neutres adaptés à la conservation (ouate de polyester, carton neutre, film polyester, mousse de polyéthylène…).
Le mannequinage est une délicate alchimie entre des données concrètes comme les mesures d'une robe, et abstraites, comme l'esprit d'une époque. Un bon mannequinage doit allier technique de rembourrage et connaissance de l'histoire du costume ou de l'évolution des silhouettes. L’étude de la coupe et du montage des robes fournit de précieux renseignements complétés par l’observation de documents iconographiques de l’époque. Ainsi, l’on peut retrouver formes et attitudes caractéristiques de la période tout en gardant conscience du décalage qu’il existe entre image et réalité.
Les accessoires de mode répondent aux mêmes exigences. Il est indispensable de comprendre l’objet, de déterminer ses faiblesses pour réaliser le support de présentation le plus adapté. Toute œuvre exposée fait l’objet d’une étude afin de réaliser un soclage permettant sa lisibilité et sa valorisation, tout en respectant ses spécificités structurelles et ses fragilités.